Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/355

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme dernière conséquence, une poussée continue qui doit aboutir en avant et faire marcher le glacier dans la seule direction qu’il lui soit possible de prendre, celle de la moindre résistance au mouvement qui l’oblige d’avancer.

Il est facile de concevoir maintenant ce qui se passe de nos jours et ce qui a dû se passer autrefois avec les anciens glaciers. Non-seulement le glacier marche, mais avec lui cheminent tous les matériaux qu’il entraîne. Ces matériaux sont de deux sortes : les uns comprennent tous les fragmens anguleux ou non, tous les graviers et les particules limoneuses que les eaux de fonte ou celles qui descendent des pentes limitrophes, après les pluies, entraînent dans les fentes ou par les crevasses et qui arrivent de quelque façon que ce soit sous le glacier. Un courant liquide, mais boueux et chargé de détritus caillouteux, suit toujours ainsi le glacier et se trouve compris entre la roche sous-jacente et la face intérieure de ce même glacier.

Il se produit donc ici, par un effet du mouvement continu que nous venons de signaler, absolument le même phénomène que lorsqu’on cherche à polir des blocs de marbre ou de grès à l’aide d’un sable mouillé. La masse détritique qui fait l’office de sable, incessamment poussée et pressée contre la roche qui sert de lit au glacier, la burine, lui imprime des raies, des stries, ou la polit, tandis que les fragmens mobiles éprouvent de leur côté les mêmes effets. C’est toujours la roche la plus dure qui raie ou polit celle qui a moins de fermeté, et ces stries, ces cannelures, ces traits de polissage sont constamment dirigés dans le sens de la marche du glacier, divergens quand il se divise en plusieurs branches ou qu’il change de direction, parallèles quand il s’avance régulièrement dans une direction déterminée.

Tous ces matériaux et l’eau qui les accompagne se déversent ensuite à l’extrémité inférieure du glacier. Ils sont ordinairement assez abondans pour former un cours d’eau considérable, toujours boueux et mêlé de fragmens détritiques dont l’origine est facile à reconnaître. L’Arve à Chamonix et la rivière de Saint-Gervais fournissent des exemples bien connus de ces déjections torrentielles. Après leur sortie du glacier, on conçoit que des élémens si divers se déposent dans l’ordre même de leur pesanteur et de leur volume relatifs, les plus gros fragmens plus ou moins striés ou polis avant tout le reste, les graviers un peu plus loin, enfin les limons plus loin encore, à mesure que les eaux qui les tiennent en suspension se décantent, et souvent au fond d’un lac, connue il arrive pour le Rhône, boueux à son entrée dans le Léman, si pur et si transparent à sa sortie. Les déjections glaciaires observées sur