Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/369

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du pliocène, les environs de Lyon conservaient encore des conditions de climat très analogues à celles qui règnent de nos jours aux îles Canaries.

La riche flore extraite des tufs de Meximieux et qui révèle la composition d’une grande forêt à cette époque le prouve suffisamment. Plusieurs laurinées canariennes, entre autres un persea ou avocatier, des houx, des grenadiers, des lauriers-roses, un bambou élégant, de grands noyers, des tilleuls, des viornes, plusieurs érables, des tulipiers, des magnolias et bien d’autres arbres ou arbustes, indigènes maintenant des grandes forêts d’Amérique, du Caucase ou du Japon, servaient alors d’entourage aux eaux puissantes retombant en cascade, auxquelles sont dus les calcaires concrétionnés et les empreintes végétales de Meximieux.

La forêt pliocène de Meximieux n’est pas du reste un fait isolé. M. B. Rames, explorateur intelligent, a retrouvé naguère sous les cendres basaltiques de la région du Cantal d’innombrables vestiges de végétaux, certainement contemporains de ceux de Meximieux, puisque non-seulement ils se rapportent au même horizon géognostique, mais qu’ils comprennent en partie les mêmes espèces. C’était un rideau de forêts montagneuses s’étageant sur les pentes et s’élevant jusqu’aux cimes du volcan alors en pleine activité. Le bambou, les érables, le tilleul, le « torreya » reparaissent ici, mais il s’y joint d’autres essences forestières, les unes canariennes, comme le notolea excelsa, ou américaines, comme le sassafras et le benjoin, laurinées à feuilles caduques, maintenant exotiques. On y rencontre surtout le hêtre pliocène, qui s’écarte du nôtre pour se rapprocher du hêtre américain ; enfin, divers indices montrent qu’au-dessus de ces forêts qui ne seraient plus en rapport avec le climat européen actuel, d’autres espèces, les unes encore indigènes, comme le tremble, l’orme, le charme, les autres émigrées, comme le sapin de la Sierra-Nevada et plusieurs pins, peuplaient les plus hauts sommets et couronnaient les escarpemens pliocènes.

C’est après cette époque que le refroidissement, faisant de nouveaux progrès et le massif des Alpes se trouvant définitivement constitué, le glacier du Rhône décrit par MM. Faisan et Chantre s’avança graduellement jusqu’à Lyon. Conformément à la pensée exprimée par M. Desor dans l’aperçu qu’il a donné des recherches et de l’œuvre des savans français, nous ne croyons pas que ces immenses nappes de glace aient fait leur apparition par un coup de baguette ni qu’elles aient envahi subitement le bassin du Rhône moyen. « Les choses, dit M. Desor, ont dû se passer d’une manière lente et progressive, selon les lois qui régissent les oscillations des glaciers