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par le concours des administrations départementales et municipales, de l’avis d’un jury d’instruction, et après avoir été entendus. » Il y avait là de sérieuses garanties pour l’état et pour les maîtres ; pour ces derniers surtout, émancipés de l’église et protégés contre l’arbitraire administratif par une procédure vraiment libérale, l’avantage était grand. Que nous voilà déjà loin des doléances présentées par les recteurs de Bourgogne à leurs députés aux états-généraux ! L’humble magister de village est maintenant un fonctionnaire qui ne sert plus que l’état et sur qui l’état seul a des droits : il cumulait naguère toutes sortes d’offices, un peu subalternes ; c’était l’homme à tout faire de la commune ; désormais il exercera une profession, peu rétribuée, par exemple. La république se contente de fournir à chaque instituteur un local, « tant pour lui servir de logement que pour recevoir les élèves pendant la durée des cours, et le jardin qui se trouverait attenant à ce local. » D’argent, point ; à moins que le département ne juge « plus convenable de lui allouer une somme annuelle pour lui tenir lieu du logement et du jardin susdits, » son unique rémunération sera celle qu’il recevra des élèves. Encore l’administration pourra-t-elle en exempter, pour cause d’indigence, un quart des enfans.

On a souvent critiqué cette partie de la loi du 3 brumaire. Il est certain qu’elle manque un peu de la facile générosité qu’on trouve dans les projets antérieurs. Les jacobins faisaient plus grand, au moins sur le papier. L’argent ne les arrêtait pas ; un peu plus tôt, un peu plus tard, la banqueroute était inévitable, pourquoi se seraient-ils gênés ? Ils allaient donc, ils allaient, et de quel train ! prodiguant les millions, multipliant les traitemens, les indemnités, les places, avec cette effronterie de parvenus qui croient se donner des airs de grand seigneur en ne comptant pas. C’est ainsi qu’en moins de trois ans, ils avaient dévoré pour plusieurs milliards de biens nationaux. Il était aisé, vraiment, de se répandre en largesses à ce prix. Mais faut-il faire un crime aux thermidoriens d’avoir apporté dans le maniement des deniers publics un peu plus de prudence ? Tout au rebours, à notre avis. Après l’honneur d’avoir délivré la France de l’avilissante tyrannie de Robespierre, leur plus grand mérite est d’avoir essayé de mettre un frein aux dilapidations du trésor. Leur popularité peut-être en a souffert ; certainement leur mémoire y a gagné.

Au double point de vue du placement des écoles et de la condition des maîtres, la loi du 3 brumaire était donc, sinon parfaite, du moins aussi bonne que les circonstances le permettaient. Malheureusement, à d’autres égards, elle laissait singulièrement à désirer. Notamment au chapitre des autorités constituées, que d’erreurs ! La pédagogie révolutionnaire apparaît ici dans toute son infirmité :