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Rendons cependant aux jacobins la justice qui leur est due : cette orgie n’eut qu’un temps. Ils reprirent assez vite leur assurance et reparurent dès qu’ils virent qu’on ne guillotinait plus. Le cas s’est souvent présenté depuis ; la démagogie ne change pas : d’une extrême pusillanimité devant qui lui résiste, d’une rare audace aussitôt qu’on lui cède. Quoi qu’il en soit, les clubs qu’on croyait bien morts avec Robespierre ne tardèrent pas en fait à se reformer, malgré la loi de fructidor et malgré la constitution de l’an III. On n’a pas assez noté ce phénomène : pour la plupart des historiens de la révolution, le rôle des sociétés populaires finit au 9 thermidor ; en réalité, il ne cesse qu’au 18 brumaire. Pendant toute cette période, après le coup d’état de fructidor surtout, la France est encore dans la main des associations populaires. Elles ne s’intitulent plus de noms aussi pompeux qu’en 1793 ; elles sont moins patriotiques et moins régénérées, moins bruyantes surtout. Mais leur action dissolvante n’a rien perdu de sa force, et l’on comprendrait mal ce temps, on risquerait de ne pas assigner aux événemens leur véritable cause, si l’on négligeait un tel facteur.

Au point de vue de l’organisation des écoles, en tout cas, l’importance en est grande. En effet, de toutes les fonctions que les sociétés populaires s’étaient attribuées, aucune ne rentrait mieux dans l’esprit de leur institution que la surveillance de l’enseignement. Après la délation[1] peut-être, elles n’eurent pas de plus grande affaire. Pour agir sur l’esprit public, pour le propager, comme on disait alors, l’école était un admirable levier. C’est pourquoi, de très bonne heure, les clubs tendirent à s’en emparer. Compulsez leurs règlemens, et vous verrez que beaucoup d’entre eux s’étaient, à l’exemple de la convention, donné le luxe d’un comité

  1. « Les dénonciations occupent des séances entières et souvent on n’obtient aucun résultat. Sans doute il faut surveiller, il faut dénoncer les conspirateurs ; il faut leur faire une guerre à mort ; mais il faut éloigner de vos discussions les dénonciations vagues qui ne sont appuyées sur aucun fait… »
    (Extrait du règlement de la société populaire et montagnarde de Vitry-sur-Marne. Bibl. nat., L. 40.)