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caractères les plus sérieux, on n’a rien fait avec à-propos. On est allé à l’aventure, ne voyant le mal que d’une manière incomplète et n’opposant au danger, à mesure qu’on l’entrevoyait, que des moyens insuffisans, décousus ou tardifs. Disons le mot : dans une affaire où il y avait à déployer à la fois l’action militaire et l’action politique, on n’a pas été plus heureux dans les mesures militaires que dans les mesures politiques. Non, malheureusement, on n’a été bien inspiré ni dans l’organisation primitive du corps expéditionnaire de la Tunisie ni dans le rappel prématuré d’une partie de ce corps, ni dans le renvoi presque immédiat en Algérie de ces mêmes troupes qu’on venait de rappeler. Le résultat le plus clair du système qui a été suivi, si tant est qu’il y ait eu un système, a été d’affaiblir les corps laissés en Francs sans donner aux chefs employés en Afrique les moyens dont ils auraient besoin. Encore aujourd’hui, malgré d’incessans envois de troupes expédiées de tous côtés, est-il bien sûr qu’il y ait en Algérie des forces suffisantes à la disposition du nouveau gouverneur militaire, M. le général Saussier ?

Les moyens politiques ne sont pas plus heureux ; mettons de côté, si l’on veut, ces rigueurs dont viennent d’être frappés les indigènes à l’occasion des incendies de la province de Constantine. Le seul acte politique sérieux est le décret tout récent qui rattache complètement les services civils de l’Algérie aux divers ministères de la métropole. L’organisation qui existait jusqu’ici, qui répartissait les services entre le gouverneur-général et les ministres de Paris, cette organisation était sans doute elle-même assez arbitraire et créait une certaine confusion de responsabilité et d’action. Elle était certes défectueuse, elle n’a peut-être pas peu contribué à la crise d’aujourd’hui. Malheureusement le nouveau décret ne touche pas au vrai mal, et n’améliore guère la situation de l’Algérie. Ce n’est là qu’un palliatif conçu sous une fausse inspiration. C’est l’éternelle erreur ou l’illusion de ceux qui refusent de se rendre à la réalité, qui ne peuvent arriver à reconnaître que l’Algérie est encore dans des conditions où elle ne peut être complètement assimilée à la métropole, à des départemens français ; où elle a besoin d’une forte organisation appropriée à sa situation et à ses intérêts. Il faudrait prendre bien garde aussi à ne pas fatiguer le pays par de fausses manœuvres pour le laisser un jour ou l’autre surpris et justement irrité en face de déceptions qu’il n’aurait pas méritées.

Le monde est sans doute au repos par ces jours d’automne. La politique européenne n’en a pas moins ses incidens, dont quelques-uns peuvent avoir une certaine signification. L’Allemagne est particulièrement occupée aujourd’hui de deux faits qui ne laissent pas d’avoir leur importance, et d’être caractéristiques au point de vue de la direction générale des affaires de l’empire. On a parlé assez fréquemment dans ces derniers temps des voyages de quelques souverains, notamment