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Paris avait continué, comme elle le faisait depuis le commencement du siècle, à transformer sans frais 1 kilogramme d’argent en quarante pièces de 5 francs, il n’y a pas apparence qu’on consentît en aucun point du globe à vendre des lingots à un prix beaucoup moindre. Les frais de transport seuls feraient la différence.

Trente et un kilogrammes d’argent, qui s’échangeaient naguère contre 2,000 grammes d’or, n’en valent plus que 1,700; demain peut-être, disent les gens les mieux informés de l’avenir, ils n’en vaudront que 1,500!

A cela où est le grand mal? Lorsque le vin est à bon marché, les acheteurs en profitent, et aucune commission pour favoriser les vendeurs ne cherche à relever les prix. Pourquoi cette sollicitude pour les vendeurs d’argent? C’est que l’argent monnayé n’est pas une marchandise comme d’autres; tout le monde en est vendeur.

Quiconque fait un achat vend son argent au marchand, qui le paie de sa marchandise; la baisse de l’argent inquiète ou intéresse tout le monde. L’employé qui gagne 3,000 francs, le rentier qui possède 3,000 francs de rente, le propriétaire qui a affermé sa terre 3,000 francs, n’ont rien à réclamer quand on leur a donné 15 kilogrammes d’argent transformés en monnaie ; il leur importe fort que le kilogramme d’argent conserve sa valeur.

La loi a fixé le titre et le poids de la pièce de 5 francs, le titre et le poids de la pièce de 20 francs ; si des contradictions en résultent, il faut les concilier. Le jour où quatre pièces de 5 francs irréprochables vaudront moins ou vaudront plus qu’une pièce de 20 francs, il sera démontré que nos législateurs ont eu sans le savoir un poids et un poids, et tenu, sans le vouloir, une balance inégale. Les discussions et les rapports qui ont préparé la loi monétaire de l’an XI leur avaient signalé le danger, ils ont passé outre : leur décision est notre règle; si elle a été imprudente, l’état est responsable; il le sait et ne veut plus se compromettre en prêtant par son empreinte à 25 grammes d’argent la valeur de 5 francs, devenue, en dépit de la définition légale, conventionnelle et fictive. On frappe encore des pièces de 20 francs, mais le jour où 6 grammes 65 centigrammes d’or vaudront à Paris plus que quatre pièces de 5 francs, le balancier de la Monnaie s’arrêtera de lui-même; personne sans doute n’ira lui demander de déguiser par une marque trop faible la valeur réelle de son or; les pièces déjà frappées seront exportées ou fondues, et nous serons réduits à la monnaie d’argent.

Nos pièces de 5 francs, protégées par une longue habitude, n’ont rien perdu jusqu’ici en France de leur valeur par rapport à l’or ; mais dans l’Inde ou en Chine, en Angleterre même, quarante pièces