Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/530

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le Moniteur publiait le résultat des travaux de la commission. Le gouvernement demandait la création d’une garde nationale mobile pour la défense des côtes et des places fortes. Il réclamait une armée de huit cent mille hommes, dont la moitié, affectée à la réserve, était divisée en deux bans ; le premier pouvait être appelé par une simple décision du ministre de la guerre, le second par un décret impérial. Le service actif était de six ans, ainsi que celui de la réserve. C’était enlever au corps législatif le vote du contingent et mettre six cent mille hommes à la disposition permanente du ministre de la guerre. Le projet, qui pourtant n’était qu’un palliatif, souleva de si vives réclamations que le gouvernement se crut obligé de déclarer par la voie de ses journaux que ce travail n’avait rien de définitif, que ce n’était qu’une étude susceptible de toutes les modifications.

Le danger était à nos portes ; n’eût-il pas mieux valu le révéler au pays, faire appel à son patriotisme, que d’user ses forces et son temps à transiger avec une opinion publique mobile et nerveuse, qui poussait inconsciemment à la guerre, et qui cependant se révoltait à l’idée des sacrifices qu’elle imposerait ?


V. — LA REPRISE DES ENTRETIENS DU COMTE DE BISMARCK AVEC M. BENEDETTI.

Depuis l’entretien du 3 décembre, il n’avait plus été question du Luxembourg entre l’ambassadeur de France et le président du conseil. L’un, fidèle à sa consigne, observait la réserve que lui prescrivaient ses instructions ; l’autre était censé poser des jalons dans l’esprit du roi pour le convertir à nos idées.

M. de Moustier ne soufflait plus mot dans sa correspondance de l’alliance prussienne, il s’absorbait dans les affaires de Rome, il s’occupait de l’exécution du traité du 15 septembre et des garanties à donner au pape, et surtout des affaires d’Orient, qui lui étaient devenues plus chères encore depuis qu’il était appelé à les diriger. Constantinople était d’ailleurs le terrain où il espérait se rencontrer avec la Russie et détendre les liens qu’elle avait pu contracter lors de la mission du général de Manteuffel. Il avait d’autant moins hâte de reprendre les pourparlers avec la Prusse que les renseignemens d’Allemagne persistaient à n’être pas rassurans. Il venait de recevoir un document qu’une main mystérieuse, mais à coup sûre prussienne, nous avait communiqué sous le manteau de la cheminée, et qui, ajuste titre, lui donnait à réfléchir. C’était un mémorandum qui traitait précisément de l’occupation de la forteresse de Luxembourg et dont les conclusions étaient des plus comminatoires. On n’admettait pas que la ville de Luxembourg pût se relever de sa servitude militaire ; on disait que, si les droits exercés par la Confédération