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l’Inde un cours commercial; le négociant anglais, qui, en échange de ses guinées, demande dans l’Inde du riz ou du coton, ne trouve la hausse du change ni tyrannique ni pernicieuse, il y gagne 15 pour 100!

Le fabricant anglais, que l’on paie en roupies d’argent, est forcé, il est vrai, de vendre ses produits plus cher pour obtenir le même nombre de guinées, mais il peut convertir les roupies en marchandises indiennes et gagner d’un côté ce qu’il perd de l’autre. Le prix des marchandises et celui du change, il n’en faut pas douter, se régleront d’eux-mêmes pour rendre possibles les transactions utiles à tous et indispensables à un grand nombre. Il n’est pas supposable que l’échange des produits, avantageux à tous, soit arrêté d’une manière durable par un système monétaire quel qu’il soit, s’il est invariable et sincère; l’équilibre troublé se rétablira de lui-même sans qu’on ait recours à des lois nouvelles. Cet heureux changement, peut-on dire, ne s’est pas produit : il faut l’attendre. Les mouvemens économiques ont été comparés, avec raison, à ceux d’une masse visqueuse; soumise aux mêmes lois qu’un liquide parfait, elle demande, pour atteindre sa position d’équilibre, un temps beaucoup plus long, quelquefois de légères secousses ; quand on la voit, pour un temps, prendre une forme qui dément les principes, elle cède pour la quitter aux plus légères influences.

Les relations actives entre deux peuples dont la monnaie est différente tendent précisément à maintenir constant le prix du change, dont la variation les trouble; le tout, peu à peu, s’harmonise de lui-même, et les embarras du gouvernement indien, comme ceux du commerce, prendront fin avec l’incertitude et la crise.

Si l’Amérique et l’Europe, cédant à une préférence générale qu’on ne peut méconnaître, réussissaient, comme l’Angleterre, à adopter la seule monnaie d’or, elles s’en trouveraient bien dans l’avenir; mais les frais seraient excessifs, et la baisse certaine des prix accroîtrait, par la rencontre de tant de peuples dans cette voie étroite, les difficultés devant lesquelles l’Allemagne hésite.

Le monométallisme n’est pas à espérer. La répugnance des plus grandes nations rend le bimétallisme universel impossible ; il faut renoncer à s’entendre ; chacun, à regret, doit adopter pour son compte le moins mauvais parti que lui laissent les résolutions prises par les voisins. C’est dans cette voie que la France, d’accord avec l’Italie, la Belgique et la Suisse, a rencontré le moins défendable de tous les systèmes, le bimétallisme boiteux. La monnaie d’argent, à moins de convention contraire, est acceptée pour tous les paiemens aussi bien que la monnaie d’or, et l’état cependant, en suspendant la frappe des lingots, diminue sa valeur intrinsèque.

Est-il prudent et digne d’attendre que, la logique l’emportant