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que de penser que les éruptions envoyées par la tête des comètes soient des flammes allumées par l’énorme chaleur : on a vu dans le ciel des incendies se déclarer tout à coup sur des étoiles fixes.

Mais le noyau est d’une autre nature : c’est un corps solide ou liquide qui reçoit et renvoie la lumière du soleil, car on voit dans son spectre toutes les raies obscures qui caractérisent cette lumière ; il en est de même des parties prolongées de la queue. On peut dès lors résumer tout ce que l’étude sérieuse et scientifique des comètes a pu nous apprendre. Ce sont des corps matériels et non des apparences, groupés autour d’un noyau solide ou liquide, contenant du charbon, de l’azote et de l’hydrogène ; ces matières, échauffées et volatilisées par l’action solaire, s’enflamment dans l’auréole et répandent par cela même la lumière d’incendie qui leur est propre. Outre cela, tous ces matériaux sont éclairés par le soleil, toutes les parties de la comète, auréole, noyau ou queue, nous renvoient ses rayons. Telle est l’analyse détaillée des faits observés chez les comètes : c’est à cela que se bornent nos connaissances précises; ce qui va suivre est œuvre d’imagination. Quand les savans sont au bout de leur science et que leur curiosité n’est point contentée, ils se croient en droit d’y satisfaire par des hypothèses. Rien n’est plus naturel à l’homme, rien n’est plus inutile, ni plus stérile. On va le voir en parcourant la série des explications que les astronomes aux abois ont tentées de ce mystérieux sujet.


V.

Nous rencontrons d’abord le nom vénéré de Newton. Pour expliquer la formation des queues. Newton suppose que le soleil est entouré d’une atmosphère qui s’étend au-delà du monde planétaire, que les comètes y pénètrent, que les vapeurs les moins denses contenues dans leurs auréoles s’y élèvent à l’opposé du soleil (comme le font l’hydrogène et les ballons dans l’atmosphère de la terre), qu’il en résulte un courant continu (comme la fumée sortie de la cheminée d’un steamer), que ce courant s’infléchit de la même manière à l’opposé du mouvement de l’astre, enfin que ces émanations matérielles, éclairées par le soleil, deviennent visibles et font les queues recourbées des planètes. Cette explication ne laisserait rien à désirer, si cette atmosphère solaire existait réellement ; mais cela ne peut être, car si elle était aussi dense et s’étendait aussi loin, elle arrêterait aussitôt le mouvement des astres comme l’atmosphère terrestre arrête celui des bolides.

Après Newton, Cardan soutient que les queues n’existent point