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des logemens insalubres, les hôtels meublés, qui ne s’élevaient alors qu’au nombre de 9,050, avaient été divisés en cinq classes d’après le prix des chambres, et un recensement fait dans tous ces logemens le 1er juillet 1876 établissait que le nombre des individus hébergés dans les hôtels de quatrième et cinquième classe (c’est-à-dire les plus misérables) s’élevait à 195,727. Il est regrettable que, cette nomenclature et ces distinctions une fois établies, le service des garnis n’ait pas jugé utile de les conserver. Il serait, en effet, possible de s’assurer si l’augmentation du nombre des garnis (quatorze cent trente-un en quatre ans) ne porte pas presque exclusivement, comme j’en ai la conviction, sur ceux des deux dernières catégories, et si la hausse constante du prix des loyers ne jette pas annuellement au garni un nombre croissant d’individus qui ne trouvent plus à se loger ailleurs. Quelle est la nature de l’hospitalité qu’ils y trouvent? C’est ce qu’il me reste à décrire ou plutôt à rappeler.

On a toujours mauvaise grâce à se citer soi-même. Il m’est impossible cependant de ne pas demander aux lecteurs de la Revue de faire un effort de mémoire pour se rappeler certaine promenade nocturne à laquelle je les ai conviés il y a un peu plus de trois ans à travers les garnis les plus infimes de la capitale[1]. Peut-être quelques-uns d’entre eux n’ont-ils pas oublié la description que j’ai dû faire de ces cabinets sans jour et sans air, ne s’éclairant souvent que par un châssis qui donne sur une cour intérieure ou même sur un escalier, et de ces chambrées où s’entassent à chaque étage autant de lits que le local peut en contenir, depuis quinze ou vingt dans une salle basse, jusqu’à quatre dans une soupente en mansarde. Je ne reviendrai pas sur l’odeur nauséabonde qui, surtout par les jours de grande chaleur, vous prend aux yeux et à la gorge, sur ces lits dont on renouvelle rarement les draps, sur ces vieux chiffons qui souvent tiennent lieu de matelas, sur ces locataires entassés dans la chambre même du logeur et couchant pêle-mêle avec sa femme et ses filles. Je voudrais, au contraire, pouvoir dire que le déplorable état de choses que j’ai décrit a subi d’heureuses modifications et que les garnis sont aujourd’hui soumis à une surveillance sérieuse au point de vue de la décence et de l’hygiène. Malheureusement, la vérité m’oblige à dire qu’il n’en est rien, et cela malgré la réunion d’efforts aussi honnêtes qu’infructueux. Quelques mois, en effet, avant la publication de l’étude que je viens de rappeler, la commission des logemens insalubres, mieux pénétrée de ses droits et de ses devoirs, chargeait un de ses membres les plus distingués, M. le

  1. Voyez, dans la Revue du 1er juin 1878 : le Dépôt central et la Surveillance des garnis.