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tive et même pleine de candeur. Elle constate une fois de plus ce dont on pouvait bien se douter, c’est qu’au début, faute de s’avouer la gravité de la situation, ou pour ne pas laisser entrevoir toute la vérité, on n’a demandé aux cliambres que des crédits insuffisans. Ces crédits extraordinaires régulièrement votés n’ont pas été à l’origine de plus de 17 millions. Il est bien clair que ce chiffre est depuis longtemps dépassé et que, s’il n’a pas atteint les proportions fabuleuses qu’on lui donne parfois dans les polémiques de parti, il est du moins considérable. Comment a-t-on suffi à tout en l’absence des chambres ? C’est ici que la note ministérielle ne laisse pas vraiment d’être curieuse. La nécessité de demander de nouveaux crédits pour faire face à ce qui a été dépensé n’est point contestée ; mais la note ajoute d’un ton dégagé que pour le moment on a pu pourvoir aux supplémens de dépenses avec les crédits du budget de 1881, que ces crédits sont loin d’être épuisés a puisque, sur un total de 604,322,000 fr. il n’a été ordonnancé que 441,054,000 francs et qu’il reste un disponible de 163,268,000 francs. » Voilà des explications financières qui peuvent paraître assez étranges. Si l’on a trouvé dans les ressources du budget de quoi suffire aux dépenses de l’Afrique, il en résulte une de ces deux choses, ou que le budget a été singulièrement exagéré ou qu’il a fallu laisser de côté des services ordinaires pour faire face aux dépenses extraordinaires. Dans tous les cas, il resterait à savoir comment on a pu, avec quelque apparence de régularité, même provisoirement, détourner de leur destination des crédits qui ont dans le budget une affectation spéciale et précise. L’explication aurait besoin d’être elle-même expliquée. Elle ne prouve rien de plus que la facilité à abuser de tout au risque de préparer les plus étranges confusions. C’est ainsi que tout s’altère dans l’état, et puisqu’on est au moment des reconstitutions ministérielles, qu’on se souvienne bien que la pire des choses serait de continuer ce qui existe en l’aggravant par des jactances les infatuations nouvelles.

L’Orient n’en est pas et n’en sera pas de longtemps sans doute à laisser l’Europe en repos. Quand tout semble finir d’un côté, tout recommence d’un autre côté, et les incidens imprévus ne manquent jamais pour occuper la diplomatie. La question peut varier selon les zones et les régions du monde musulman, au fond, cette question d’Orient est toujours la même, qu’elle s’agite sur les Balkans, dans l’Arménie, en Syrie, en Épire ou même en Égypte et en Afrique ; la limiter, la dégager de ce qu’elle a de plus périlleux, à mesure que les événemens se succèdent, c’est tout ce que peut l’Europe, et sa tâche est parfois encore assez laborieuse. L’autre jour, il n’y a de cela que quelques semaines, cette éternelle négociation relative au différend turco-hellénique et à l’exécution du traité de Berlin arrivait à son terme, à la demi-solution préparée par la diplomatie. Tout semble fini ou est