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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE


Le contraste s’accentue chaque quinzaine sur le marché financier de Paris entre la tenue relativement faible de nos fonds publics et l’emportement avec lequel la spéculation pousse les cours des actions des banques et de plusieurs sociétés industrielles.

Depuis le 15 courant, les 3 pour 100 ont encore fléchi de quelques centimes, et si le 5 pour 100 a été l’objet d’un assez vif mouvement de reprise qui l’a porté tout près de 117 francs, il est retombé lourdement depuis jusqu’à 116 francs, et c’est à ce niveau, sans doute, que sera fixé le cours de compensation. Les acheteurs auront réussi à maintenir à peu près nos rentes aux cours du mois dernier, mais en perdant le report, et l’on comprend bien que, dans ces conditions, la spéculation à la hausse sur les fonds publics voie diminuer sans cesse le nombre de ses adhérens.

Les raisons ne font pas défaut pour expliquer la défaveur momentanée dans laquelle est tombée la spéculation sur les rentes. La première, et la plus sérieuse peut-être, est le haut prix atteint par les 8 pour 100, qui, aux cours actuels, ne donnent plus guère que 3 1/2 de revenu. Les faits économiques qui se sont produits depuis quelques années ont eu pour conséquence une modification rapide dans le taux de capitalisation de toutes les valeurs mobilières. Mais le public ne s’est pas encore habitué aux résultats de cette transformation et n’accepte qu’avec répugnance les conditions nouvelles qui lui sont imposées pour le choix de ses placemens. Il hésite entre les valeurs donnant un revenu fixe et assuré, mais peu rémunérateur, et les titres qui n’offrent l’avantage d’un meilleur rendement qu’au prix d’une sécurité douteuse. Aussi les transactions au comptant sont-elles fort peu animées sur les rentes françaises, tandis qu’une partie de l’épargne va grossir de mois en mois les sommes déjà énormes placées en dépôt dans les caisses des institutions de crédit. L’attitude du marché de Londres à l’égard de celui de Paris a été encore, pendant cette quinzaine, une cause de faiblesse pour nos rentes. De grosses positions à la hausse, prises et conservées ici depuis longtemps déjà, se font reporter à Londres à chaque liquidation de fin de mois; or les reporteurs ont déjà à plusieurs reprises manifesté l’intention de ne plus prêter leurs capitaux. Cette menace se reproduit régulièrement du 15 au 25 et a pour effet d’amener un certain nombre d’acheteurs à se dégager. Cette fois, Londres était plus mal disposé que jamais. Au Stock-Exchange, on a vendu des quantités considérables de titres turcs et égyptiens, en même temps que l’on annonçait un effondrement si les acheteurs parisiens ne prenaient pas livraison de toute la masse vendue.

Tandis que les cours des rentes s’immobilisent ou reculent lentement,