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d’entreprendre au plus tôt les travaux publics qu’il réclame. « Ce n’est pas, dit-il, le développement des affaires et des richesses qui provoque un bon système de voies de communication, mais bien un bon système de voies de communication qui amène ce développement. » Il énumère ensuite les innombrables ressources qui restent improductives en Turquie, faute de moyens d’exploitation. Passant alors aux grands travaux publics, il remarque qu’on peut hésiter pour les exécuter entre trois procédés : le premier est la régie ou l’exécution aux frais et par les soins de l’état. « L’expérience, dit-il, a surabondamment prouvé que ce système est pernicieux à tous égards ; les diverses tentatives faites dans cette voie ont démontré, en outre, que l’intervention du gouvernement impérial dans de pareilles entreprises entraînait à des dépenses hors de toute proportion avec les résultats obtenus… il n’est pas exagéré de prétendre qu’un travail obtenu par l’initiative privée à 10 piastres, est revenu pour l’état à 80 ou même à 100 piastres, et encore le travail exécuté en régie est-il resté inachevé. Devant un résultat aussi fâcheux, persister dans une pareille voie, c’est n’avoir aucun souci des intérêts de l’état et du pays. Mais en admettant pour un instant que le système de la régie fût avantageux et pratique, il ne faudrait même pas y penser, car l’état de nos finances n’est pas assez florissant. » Le second procédé d’exécution est la prestation. Hassan-Fehmi le repousse par des argumens plus graves encore, puis il ajoute : « Dans l’hypothèse même où l’intervention directe de l’état ou le concours volontaire de la population suffiraient à l’exécution des grands travaux publics, il y a lieu de prendre en considération que, le pays ne possédant ni fabriques, ni usines, nous serions obligés de recourir à l’Europe pour nos achats d’outils, instrumens et matériel ; nous aurions ainsi rendu service à l’importation étrangère, au détriment évident de notre richesse nationale, tandis que, si c’est le capital étranger qui se charge de fournir le matériel de construction, l’importation du numéraire ne sera plus nécessaire, et ce matériel, une fois dans le pays, représentera un capital contribuant au développement de la richesse générale. » L’exécution par l’état ou par la population écartée, reste le recours aux capitaux étrangers. C’est le troisième système : Hassan-Fehmi le préconise très nettement, et presque tout son rapport est consacré à repousser les objections qu’il soulève généralement en Turquie. Il n’épargne aucune preuve pour démontrer à ses compatriotes que les capitalistes européens ne les exploiteront pas, que leurs travaux, au contraire, seront très productifs, qu’on se fait des illusions sur les bénéfices des grandes entreprises, que ces bénéfices n’ont rien que de fort raisonnable et de fort légitime, qu’en tous cas ils ne sont pas comparables aux profits du pays