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M. Benedetti fit observer que la communication du roi de Hollande n’exigeait pas de réponse ; M. de Bismarck ne partageait pas cet avis ; d’après lui, le silence vaudrait acquiescement. Il s’engageait toutefois à développer en langage officiel l’idée que le roi des Pays-Bas « était assez grand garçon » pour savoir ce qu’il devait faire.

Le télégraphe commande la brièveté, il permet de ne pas motiver les réponses. C’est par dépêche que le roi Guillaume fit connaître au roi grand-duc, en termes laconiques, son sentiment sur la cession du Luxembourg. Il ne se prononçait ni affirmativement ni négativement. Il s’exprimait de façon à ne pas permettre au roi de Hollande d’invoquer publiquement sa réponse comme une adhésion.

« Je ne saurais exprimer un avis, télégraphiait-il, sans connaître la manière de voir des autres cours signataires des traités. » La dépêche ne témoignait d’aucun mauvais vouloir, elle était conforme aux dires de M. de Bismarck ; le roi n’avait pas de parti-pris, il cherchait à asseoir ses convictions.

À Berlin, sauf la violence des journaux et l’agitation sourde du parlement, il ne se révélait encore aucun symptôme réellement inquiétant.

On dansait le 27 mars chez M. de Bismarck, et le roi, qui honorait la fête de sa présence, s’entretenait avec l’ambassadeur de France ; sa sérénité était parfaite, il ne paraissait pas se préoccuper du Luxembourg. Il parlait avec satisfaction de son prochain voyage à Paris et il se montrait particulièrement touché de ce que l’empereur l’eût invité à descendre aux Tuileries.

M. de Bismarck faisait les honneurs du bal avec un entrain juvénile. On ne se serait pas douté, tant il était dispos, qu’il passait toutes ses journées au parlement à batailler avec une opposition railleuse et provocante. Il paraissait vouloir oublier les affaires, mais l’ambassadeur de France était là, le guettant au passage et tout prêt à les lui rappeler. M. Benedetti lui demanda s’il était sans nouvelles de La Haye. C’était une entrée en matière. M. de Bismarck était sans nouvelles, mais il ne ménagea pas le roi grand-duc ; sa démarche avait tout gâté ; pourquoi ne s’était-il pas conformé aux idées qui nous avaient été suggérées ? Il en résultait pour son souverain un véritable ennui, car s’il se résignait à la cession du Luxembourg, il ne lui était pas possible d’admettre qu’on pût croire qu’il y eût adhéré spontanément. Par contre, il ne partageait pas les inquiétudes que les violences de la presse prussienne inspiraient à l’ambassadeur : « Dans l’impossibilité où l’on était de les réprimer, il fallait, disait-il, philosophiquement s’y résigner sans les craindre. » Il restait convaincu que tout se résoudrait à notre