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une terminaison. Celui du Rhône moyen, entre Vienne et Bourg, étalait une base frontale d’au moins 25 lieues d’étendue. Les autres versans des Alpes présentaient les mêmes phénomènes. Les Vosges, les Pyrénées, l’Auvergne, si l’on veut, avaient aussi leurs glaciers proportionnés au relief de ces diverses chaînes; mais enfin il existait des limites à cette prodigieuse extension ; la carte de l’Europe à l’époque glaciaire, donnée par M. Geikie, le montre surabondamment. La calotte de glace marquée au nord de cette carte[1] occupe les îles britanniques presque en entier, la Scandinavie et la Finlande; elle s’étend au sud sur le Hanovre, la Prusse, la Pologne, la Lithuanie et une moitié de la Russie. Ce que l’on nomme la région « des terres noires » reste en dehors, de Nijni-Novogorod et du haut Volga, dans le nord, d’Orianenburg, de Tchernigov, c’est-à-dire du cours supérieur du Don et du Dnieper, à l’orient, à la Caspienne et à la Mer-Noire dans la direction du sud.

Ce vaste périmètre répond aux limites extrêmes qu’a pu atteindre le phénomène erratique du Nord; mais ce dernier n’en reste pas moins complexe dans son origine, comme dans ses élémens et les phases qu’il a traversées. Des alternatives se produisirent inévitablement; après un premier exhaussement, la Scandinavie a dû s’affaisser de façon à ramener les principales vallées au-dessous du niveau des mers ambiantes, pour se relever plus tard lentement. Elle aurait obéi en dernier lieu à un mouvement ascensionnel qui se poursuit encore. De nos jours, lorsque l’on parcourt la Suède et la Norvège et qu’on voit ces fiords ou bras de mer, ces lacs étroits et ramifiés qui occupent le fond de toutes les dépressions; lorsque, non loin de Christiania, par exemple, on suit de haut les sinuosités du Tyri-fiord ou qu’on vogue sur le Mélar, on ne peut s’ôter de l’idée que, plongées autrefois au sein des eaux et à demi submergées, les terres Scandinaves n’achèvent maintenant de se relever peu à peu. Ce qui est certain, c’est que la Scandinavie resta longtemps, pour les hommes comme pour les grands animaux dont nous signalons les migrations, une terre à peu près inaccessible. Bien que les îles britanniques, surtout l’Ecosse, aient présenté avec des oscillations analogues les mêmes séries de phénomènes, cependant l’Angleterre du sud, encore bée au continent, était au contraire très abordable. Les éléphans l’ont fréquentée à plusieurs reprises, ce qui prouve qu’aucun détroit n’était encore interposé. L’éléphant méridional, après lui l’éléphant antique, et finalement l’homme primitif et le mammouth, y ont laissé des traces répétées de leur séjour.

Poursuivons notre revue des élémens d’appréciation du quaternaire ancien. Les glaciers, avons-nous dit, quelle que soit l’extension

  1. Voyez Geikie, Prehistoric Europe, p. 564.