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continent; le cheval s’avance plus loin, il va jusque dans l’Amérique du Sud, d’où il a ensuite disparu. L’éléphant, si l’on s’attache aux enchaînemens mis en lumière par le savant signalé plus haut, semble issu graduellement d’une modification du type mastodonte; après avoir paru dans les Indes avant la fin du miocène, il se montre en Europe dans le cours du pliocène représenté par l’éléphant méridional, probablement arrivé du dehors et qui précéda l’homme d’assez peu. Celui-ci se montre à son tour; il est en Europe b contemporain de l’éléphant antique, il est antérieur au mammouth, auquel il survit; enfin il est représenté sur notre sol par plusieurs races successives. — C’est donc là, selon nos connaissances actuelles, la date vraie de l’apparition de l’homme, date relativement récente, mais qui se résume dans un mouvement expansif trop conforme à celui qui présida à la diffusion des deux types d’animaux que nous venons de citer pour que la même loi ne les ait pas également gouvernés.

Maintenant que l’on sait que le cheval et l’éléphant sont venus du fond de l’Asie, maintenant que le point de départ de ces types se trouve reporté dans la seconde moitié du miocène, il n’est guère probable, selon nous, qu’on rencontre jamais, même dans l’Inde, des chevaux ni des éléphans à un niveau géognostique plus bas que le miocène. On peut dire seulement que le type hipparion et le type mastodonte, demeurés invariables en Europe, mais plus plastiques dans l’Inde, auront donné lieu, dans cette seconde région, à un degré de transformation plus avancé, de façon à engendrer respectivement le cheval et l’éléphant. — Si l’on applique à l’homme cette manière de raisonner et que la race de Canstadt soit arrivée de l’Asie, ce qui semble probable, en même temps que l’éléphant antique, ce prototype de l’éléphant actuel de l’Inde, on devra conclure qu’il n’est pas impossible que l’on rencontre plus tard, dans la région mère d’où l’homme serait primitivement sorti, armé du feu et d’une certaine intelligence, les vestiges d’une race plus ancienne. Mais ce sera toujours une ancienneté relative, et l’on ne saurait exprimer l’espoir raisonnable, à l’aide des fouilles les plus acharnées et des découvertes les plus heureuses, de mettre la main, même au cœur de l’Asie, sur des restes humains antérieurs au pliocène. Et, dans le présent état des choses, le miocène récent marque la dernière limite et la plus reculée qu’une analogie raisonnable nous autorise à concevoir.


G. DE SAPORTA.