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faire la part à d’autres faits de l’âme, par exemple à la volonté et au sentiment? Et, une fois cette part faite, ne peut-on pas aller plus loin? Ne peut-on pas dire que la croyance n’est pas seulement une partie de notre être intellectuel, mais qu’elle en est la source ; qu’elle est à l’origine de toutes nos connaissances, qu’elle domine la connaissance, enfin que la connaissance, dans son dernier fond, n’est encore qu’une croyance. Le rationalisme cédera la place au fidéisme, soit à un fidéisme mystique qui ira se rejoindre à la religion positive, soit à un fidéisme critique qui aura beaucoup de peine à se distinguer du scepticisme. Tel est l’ordre d’idées que viennent d’aborder presque en même temps, et dans un esprit profondément différent, deux professeurs distingués de l’université française, M. Ollé-Laprune, maître de conférences à l’École normale supérieure, et M. Victor Brochard, professeur de philosophie au lycée Fontanes, l’un dans un travail intitulé : de la Certitude morale, l’autre dans un travail sur l’Erreur. Nous aurions aimé à embrasser ici dans une même étude les deux écrits que nous venons de citer, en en faisant voir à la fois les analogies et les différences. L’auteur du travail sur l’Erreur fait de la croyance le fond même de la connaissance humaine et ne voit dans toute connaissance qu’une hypothèse tantôt démentie et tantôt confirmée : son système est une sorte de probabilisme. Il ne distingua pas entre la croyance morale et religieuse et les autres actes de l’esprit. Toute affirmation est une croyance et laisse par là quelque part au doute. C’est pourquoi nous avons appelé sa doctrine un fidéisme critique. L’auteur développe ces vues avec une grande subtilité dialectique, une vive pénétration, et aussi, il faut le dire, une assez grande obscurité. Peut-être trouverons-nous une autre fois l’occasion d’insister sur ce travail distingué et original. Notre pensée est surtout de faire connaître aujourd’hui une œuvre d’une tout autre nature, moins spéculative, moins métaphysique, mais d’une analyse délicate et fine, d’un esprit élevé, et qui touche de plus près aux questions les plus émouvantes de notre temps, aux croyances de l’âme, aux espérances religieuses. C’est le livre de M. Ollé-Laprune sur la Certitude morale. L’auteur, déjà connu par un ouvrage des plus estimables sur la Philosophie de Malebranche, vient en outre, tout récemment, de publier encore un mémoire couronné par l’Académie des sciences morales et politiques sur la Morale d’Aristote. L’ouvrage de la Certitude morale, qui, malgré ses allures discrètes et une exquise mesure, a pour effet cependant de mettre aux prises la foi et la philosophie, nous a paru mériter un examen particulier, attentif et vigilant