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des dames qui épluchent telles choses de très près, que tout homme qui n’est point bossu ni boiteux est beau. » Pendant que Maisonfleur poursuivait ses secrètes pratiques, et Castelnau la négociation officielle, le duc d’Alençon était devenu de plus en plus suspect. Forcé de se rendre au siège de La Rochelle, il en fut si irrité qu’il fut au moment d’en venir aux mains avec son frère le duc d’Anjou : il regrettait tout haut Coligny, et groupait autour de sa personne tous les mécontens. Du port de La Rochelle on pouvait apercevoir la flotte de Montgomery, une évasion était tentante, et le duc n’en cherchait que l’occasion. s’alarmant de ce nouveau danger, Catherine écrivit à Elisabeth que son fils lui avait fait demander par un gentilhomme la permission, après la prise de La Rochelle, d’aller baiser ses royales mains. En ayant conféré avec Walsingham, qu’elle venait de rappeler de France, où elle l’avait remplacé par le docteur Valentin Dâle, Elisabeth répondit à Catherine : « Si vous voulez nous assurer, madame, qu’il n’en sortira aucune offense, nous ne ferons aucune difficulté d’accorder la sûreté nécessaire pour le voyage. » Plusieurs assauts meurtriers donnés à La Rochelle ayant été sans résultat, Elisabeth changea de langage ; elle fit signifier à La Mothe-Fénelon, que, si la paix ne se faisait pas, elle ne donnerait plus suite au projet de mariage, et prendrait fait et cause pour les protestans. Afin d’atténuer l’effet d’une pareille menace, elle envoya en France le capitaine Horsey, chargé de proposer sa médiation, devenue d’ailleurs inutile. Catherine, depuis l’élection du duc d’Anjou au trône de Pologne, ne pensait plus qu’à traiter avec La Rochelle ; elle y avait envoyé Villeroy, muni de pleins pouvoirs. La paix fut signée le 7 juillet. Une fois libre de ce côté, et sans perdre un jour, ayant fait appeler Horsey et le docteur Dâle, Catherine leur demanda si Elisabeth voulait en finir. Ils répondirent affirmativement, mais sous la condition, toutefois, qu’on publiât que la paix était due à l’intervention du duc d’Alençon. Catherine répondit que son fils s’y était en effet chaleureusement employé. Cette condition étant ainsi acceptée, le docteur Dâle vint annoncer à Catherine que la reine, sa maîtresse, se rendrait à Douvres au mois d’août et y séjournerait huit jours. L’entrevue allait donc enfin avoir lieu, lorsque, par une sorte de fatalité, le duc tomba gravement malade. Elisabeth, aussitôt prévenue, ne voulut ni modifier ses projets, ni changer son itinéraire.

La fin de l’année 1573 s’approchait rapidement, et l’interminable négociation, loin d’avancer, avait fait un pas en arrière. Cecil était venu dire à La Mothe-Fénelon qu’on lui avait écrit de France que les marques de la petite vérole n’avaient pas entièrement disparu, qu’il restait de l’enflure au visage du duc, et que la reine Elisabeth allait faire partir pour la France Randolph, le grand maître des postes d’Angleterre,