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débats qui s’ouvriront nécessairement sur ses actes, les premières manifestations d’une majorité nouvelle, de cette majorité dont on parle toujours sans la connaître ? Périra-t-il de la douce mort des impuissans ou sous le coup d’un vote décisif du parlement ? De tout ceci, enfin, va-t-il sortir, un de ces jours, au plus tard le mois prochain, ce qu’on appelle le « grand ministère, » le cabinet prédit par les prophètes, qui aura la mission de tout relever, de tout redresser, qui doit donner au pays un gouvernement, une direction, l’ordre et le progrès, la stabilité et les réformes ? Ce qu’il y a de plus curieux dans ces discussions confuses et assourdissantes sur ce qu’on peut appeler la « question ministérielle, » dans les combinaisons que les uns et les autres imaginent pour faire face à une situation nouvelle, c’est que tout le monde invoque les règles parlementaires, tout le monde parle de correction constitutionnelle, et ce qui est certes plus clair que tout le reste, c’est que le vrai sentiment parlementaire n’a qu’une médiocre place dans cette crise d’anarchie où s’affaisse un ministère, désormais destiné à une triste fin, soit qu’il se retire aujourd’hui, soit qu’il aille jusqu’au bout, jusqu’à des discussions publiques où il disparaîtra.

Évidemment, à s’en tenir au jeu régulier des institutions parlementaires, le ministère n’aurait provisoirement aucune raison plausible de se retirer, de porter sa démission à M. le président de la république. Il n’a reçu jusqu’à la dernière heure de l’ancienne chambre que des votes d’approbation et d’encouragement, même dans des affaires où il aurait dû être contenu par la vigilance d’une assemblée sérieuse ; Il a certes, autant qu’il l’a pu, flatté les préjugés et satisfait les passions de la majorité républicaine. Il a fait les élections et les élections ti’ont pâà été une défaite pour lui. Il a célébré les scrutins du 21 août et du 4 septembre comme un succès de la cause commune. M. le président du conseil, d’ailleurs, en tacticien plein de prévoyance, avait pris ses précautions et s’était arrangé pour ne point être parmi les vaincus. Après avoir un moment repoussé toute idée de revision constitutionnelle, il avait entendu le discours de lurs, il avait médité ce discours, et il s’était ravisé à propos ; il s’était même généreusement offert à n’être qu’un lieutenant de M. Gambetta dans les combinaisons de l’avenir. La révision constitutionnelle, le développement de la laïcité dans les écoles, la guerre au cléricalisme, la réforme de la magistrature, M. le président du conseil a tout accepté, borttant son ambition à ne résister à rien, à suivre le courant, à se « laisser pousser, » comme il l’a dit un jour. Il a fait ou il a cru faire d’avance un pacte avec la majorité future dont il a pu se promettre l’appui. Où donc a-t-on vu que, par le seul fait du renouvellement de la chambre, le ministère fût obligé de se retirer, d’offrir au moins sa démission avant l’ouverture de la session ? C’est interpréter étrangement les traditions constitutionnelles, les usages des grandes nations libres comme l’Angleterre. Sans