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pour n’être pas à la charge de l’église et pour que le reste appartînt aux pauvres et aux servans du culte. On voit combien une telle doctrine pouvait devenir féconde en malentendus. Le moyen âge, qui abusa si fort de la messe, en y exagérant l’idée de sacrifice, devait arriver à de bien grandes étrangetés. De transformations en transformations, on en vint à la messe basse, où un homme, dans un petit réduit, avec un enfant qui tient la place du peuple, préside une assemblée à lui seul, dialogue sans cesse avec des gens qui ne sont pas là, apostrophe des auditeurs absens, s’adresse l’offrande à lui-même, se donne le baiser de paix à lui seul.

Le sabbat, à la fin du IIe siècle, est à peu près supprimé chez les chrétiens. Y tenir paraît un signe de judaïsme, un mauvais signe. Les premières générations chrétiennes célébraient le samedi et le dimanche, l’un en souvenir de la création, l’autre en souvenir de la résurrection ; puis tout se concentra sur le dimanche. Ce n’est pas qu’on envisageât précisément ce second jour comme un jour de repos ; le sabbat était abrogé, non transféré ; mais les solennités du dimanche et surtout l’idée que ce jour devait être tout entier à la joie (il était défendu d’y jeûner, d’y prier à genoux), ramenèrent l’abstention du travail servile. C’est bien plus tard qu’on en vint à croire que le précepte du sabbat s’appliquait au dimanche. Les premières règles à cet égard ne concernent que les esclaves, à qui, par une pensée miséricordieuse, on veut assurer des jours fériés. Le jeudi et le vendredi, dies stationum, furent consacrés au jeûne, aux génuflexions et au souvenir de la Passion. Les fêtes annuelles étaient les deux fêtes juives, Pâques et la Pentecôte, avec les transpositions que l’on sait. Quant à la fête des Palmes, elle fut à demi supprimée. L’usage d’agiter des rameaux, en criant hosanna ! fut rattaché tant bien que mal au dimanche avant Pâques, en souvenir d’une circonstance de la dernière semaine de Jésus. Le jour anniversaire de la Passion était consacré au jeûne ; ce jour-là, on s’abstenait du saint baiser.

Le culte des martyrs prenait déjà une place si considérable que les païens et les juifs en faisaient une objection, soutenant que les chrétiens révéraient plus les martyrs que le Christ lui-même. On les ensevelissait en vue de la résurrection, et on y mettait des raffinemens de luxe qui contrastaient avec la simplicité des mœurs chrétiennes ; on adorait presque leurs os. A l’anniversaire de leur mort, on se rendait à leur tombeau ; on lisait le récit de leur martyre ; on célébrait le mystère eucharistique en souvenir d’eux. C’était l’extension de la commémoration des défunts, pieuse coutume qui tenait une grande place dans la vie chrétienne. Peu s’en fallait qu’on ne dit déjà la messe pour les morts. Le jour de leur anniversaire,