Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

indifférent à la gloire ; il le prouva en sollicitant de Sixte IV l’autorisation de se rendre, au cœur de l’hiver, en Allemagne, pour y recevoir, des mains de l’empereur Frédéric III, la couronne de poète. Les contemporains de Pomponius Læus nous ont tracé le tableau le plus attachant de cette existence presque patriarcale. Ils nous le montrent partageant ses loisirs entre sa maison du Quirinal et sa villa, — une villa bien modeste, véritable « vigne, » comme disent les Romains, — située sur l’Esquilin. Tantôt il s’occupait de l’élève des canards, tantôt il s’appliquait à cultiver son champ d’après les préceptes de Caton, de Varron et de Columelle. La pêche, la chasse aux oiseaux, la lecture de ses poètes favoris, sous de frais ombrages, alternaient avec ces graves soucis agronomiques. Pendant la période scolaire, on voyait tous les matins un petit homme, aux yeux vifs, à l’accoutrement bizarre, se mettre en route pour l’université, dès l’aube, ou même plus tôt encore ; il était si matinal qu’il lui fallait emporter une lanterne pour se guider dans les ténèbres. Mais quelle que fût l’exactitude de Pomponius Læus, ses élèves montraient encore plus d’empressement que lui. Quand il arrivait, la salle était comble. Malheur aux retardataires ! il n’y avait plus de place pour eux. Aussi le professeur mêlait-il à l’explication des auteurs anciens des plaintes contre les Romains modernes, si peu soucieux d’installer leur université dans un palais digne d’elle.

Ces réminiscences, ces aspirations trouvèrent leur expression dans l’Académie semi-littéraire, semi-archéologique, qui eut pour berceau le Quirinal. Pomponius l’organisa sur le modèle des anciens collèges de prêtres et n’hésita pas à se proclamer grand pontife : Pontifex maximus. Les autres académiciens, prenant exemple sur lui, adoptèrent dés noms qui certes ne figuraient pas au calendrier : Callimachus Experiens, Asclépiade, etc., On poussa l’esprit d’imitation jusqu’à remettre en honneur (c’est parodier qu’il faudrait dire) certaines pratiques du culte païen. C’était faire trop bon marché de scrupules avec lesquels la renaissance eut plus d’une fois à compter. Quoique des cardinaux aussi pieux qu’éclairés, Bessarion par exemple, se portassent garans de l’orthodoxie des membres de l’Académie, le pape Paul II crut à un complot et ordonna une enquête. Elle fut sévère. Plusieurs académiciens furent emprisonnés et même mis à la torture. Le château Saint-Ange, pour nous servir de l’expression de l’un d’eux, retentit de gémissemens comme le taureau de Phalaris. A l’époque où nous nous plaçons, l’Académie du Quirinal, réhabilitée, et même officiellement consacrée par privilège impérial, avait, aux applaudissemens de l’Europe, repris ses travaux. Fidèle aux pratiques de son fondateur, elle mêlait les plaisirs de l’esprit à