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ment sous le nom de réformes démocratiques. M. le ministre de l’instruction publique a ses réformes triomphantes. L’autre jour encore, à propos de la fondation d’un nouveau lycée, il s’exaltait sur son œuvre, il accablait de ses dédains les vieilles maisons d’éducation, les « sombres arcades où s’abritait la morne latinité, » et il n’est pas certain qu’avec ses vastes projets il ne prépare à notre enseignement national de dures épreuves. M. le garde des sceaux a, lui aussi, sa réforme de la magistrature, qu’il ne retirait hier du sénat que pour la présenter de nouveau, — et, en attendant, il a fini par créer un état tel que beaucoup de magistrats, dégoûtés, fatigués de suspicions, en viennent à désirer qu’on tranche définitivement, fût-ce contre eux-mêmes, cette question de l’inamovibilité. La désorganisation, elle a surtout envahi les affaires militaires, et le dernier mot du système est cette triste expédition de la Tunisie, où se sont dévoilées à la fois toutes les incohérences, toutes les confusions. Notre armée est toujours prête sans doute à faire son devoir. Elle vient d’entrer à Kairouan ; elle ira là où ses chefs la conduiront. Il n’est pas moins clair, après ces malheureuses affaires d’Afrique, si étrangement dirigées par M. le ministre de la guerre, qu’il y a toute une œuvre militaire à reprendre avec un esprit nouveau. La meilleure preuve que toute cette situation d’aujourd’hui n’est pas bonne, c’est ce sentiment qui se manifeste partout depuis quelque temps, même parmi les républicains les plus décidés. Que demande-t-on de tous les côtés ? Tout le monde sent la nécessité d’un effort énergique pour redresser la direction des affaires ; on demande une majorité de gouvernement et un ministère pour conduire cette majorité, — pour gouverner ! C’est le vœu universel, c’est le mot de toutes les conversations, c’est la raison qui pousse M. Gambetta au pouvoir, parce qu’on le croit sans doute fait pour tenter l’œuvre nécessaire. On veut un gouvernement, il faut un gouvernement, c’est aisé à dire ! La question est justement de savoir si, avec la politique qu’il a plus d’une fois exposée, qu’il se prépare probablement à porter au pouvoir, M. Gambetta peut répondre à l’attente universelle. C’est encore un point où M. le président de la chambre, avec ses éternels programmes, s’est orée ces difficultés dont il semble par instans avoir le sentiment, qui paraissent lui donner du souci.

La faiblesse, l’illusion de M. Gambetta et de ses amis, de ceux qu’il associera sans doute à son ministère, c’est en effet de se figurer qu’on peut gouverner comme on veut, avec toutes les idées, qu’il suffit d’agir une majorité, la force publique et de savoir s’en servir. Ils paraissent se proposer de résoudre un problème bien étrange, celui de faire. Un gouvernement avec des ardeurs exclusives de parti, des fanatismes de secte, de vieux préjugés d’opposition, des fantaisies d’agitation, en un mot avec tout ce qui est la négation même des gouvernemens, de