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« Nous sommes certains, dit-il, de l’endroit où la magnifique et noble Sybaris dort, depuis vingt-quatre siècles, sous l’herbe luxuriante des prairies, couverte de l’épais linceul d’alluvions qui n’en laisse plus apparaître au jour un seul vestige. Malgré cette absence de toute ruine extérieure, c’est à coup sûr qu’on peut y ouvrir le sol pour la chercher. Elle est là, sur cet emplacement si bien délimité, et ne peut être nulle part ailleurs. Seulement les fouilles y demanderaient des frais énormes. Il s’agit en effet d’aller chercher le sol antique sous 5 ou 6 mètres au moins de limon, bien au-dessous du niveau actuel du sol, dans un terrain où l’on rencontre l’eau à 1m,75 de profondeur. Aucun travail n’y est donc possible sans installer des pompes à vapeur fonctionnant constamment pour épuiser les tranchées. Mais aussi quels merveilleux résultats attendent celui qui aura le courage d’entreprendre cette tâche herculéenne ! Quelles que soient les sommes à dépenser, on peut tenir pour assuré qu’on n’aura pas à les regretter. De tous les lieux dont l’exploration archéologique reste encore à faire, celui où elle donnera les résultats les plus sûrs et les plus capitaux, je n’hésite pas à le dire, est Sybaris. La destruction de cette ville a été si brusque qu’elle peut se comparer à celle des villes ensevelies par le Vésuve dans son éruption de l’an 79. La haine des Crotoniates a renversé les édifices de la cité proscrite, mais cette destruction même ainsi opérée en a mis les débris à couvert des ravages ordinaires du temps. La précaution prise par les destructeurs pour faire disparaître promptement les ruines qu’ils avaient faites sous le limon apporté par le fleuve a été aussi conservatrice que la pluie de cendres du volcan de la Campanie. Elles ont échappé par là à ce lent anéantissement qui attend toutes les ruines que l’on peut exploiter en guise de carrières. C’est un véritable Pompéi du VIIIe au VIe siècle avant l’ère chrétienne qui est enfoui sous la maremme où serpente lentement le Crati. Et c’est même trop peu de dire un Pompéi, car il ne s’agit plus seulement là d’une petite ville de troisième ou quatrième ordre, mais bien de la plus grande et plus riche cité de l’époque. Une civilisation tout entière, encore imparfaitement connue, sortira de ces ruines. Ce sera une véritable résurrection qui la prendra au point même où elle avait atteint son plus haut degré de développement, et cela sans aucun mélange des âges postérieurs. Le sol de Sybaris, sous la pioche de ses excavateurs, rendra le tableau complet de la culture grecque dans les siècles où précisément elle commença à avoir conscience d’elle-même et à prendre une physionomie propre. Peut-il y avoir quelque chose de plus intéressant pour l’histoire ? Rongeons que les temples de Paestum sont un des types les plus justement admirés de l’architecture grecque dans ce qu’elle a de plus curieux et de plus grandiose. Or ces temples ne sont