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plus à ses qualités politiques qu’aux « singulières beautés de son corps. » Elle était, dit-il, de gran governo ; elle en donna d’admirables preuves en exerçant la régence en l’absence de son mari. Une chronique du XVe siècle, inédite, conservée à la Bibliothèque de Rimini, la caractérise ainsi : Erat hœc pulchra aspectu, plurimis dotibus locupleta, fœmina belligera et fortis, et constans in proposito, grata populo et placita oculis principis. Pour une favorite de prince, ce sont là, il faut l’avouer, des qualités de premier ordre ; et, sans épuiser les témoignages contemporains, il n’y a plus à douter de sa supériorité, attestée par Pie II lui-même, qui va cependant brûler son amant en effigie : « Il a aimé éperdument Isotta, et elle en était digne. » Voilà certes un témoignage austère et inattendu. Il n’y a donc pas une note discordante dans ce concert, et du Vatican même est parti naguère, par la bouche d’un familier du dernier pontife, ce jugement historique qui résume tous les témoignages contemporains : « C’était un génie cultivé dans tous les genres d’étude ; elle élevait son âme par la contemplation de la philosophie et vivait dans l’intimité constante de l’histoire, trouvant un charme et un bonheur réels dans la poésie ; elle était la vertu même et vendit tous ses joyaux pour soutenir son époux dans les guerres qu’il entreprit[1]. »

Je ne voudrais pas porter la main sur une idole, mais je crois qu’Isotta, malgré tous ces témoignages, n’était rien moins que belle. Il existe d’elle huit médailles, sept de Matteo du Pasti, une de Pisanello (qui est contestée), un buste en marbre du temps au Campo Santo de Pise, un autre buste en bois qui faisait partie de la collection Barker, de Londres, et enfin un bas-relief, aujourd’hui perdu sans doute, mais dont Mazuchelli nous a donné une bonne gravure. Ce dernier document est le plus important de tous, en ce sens qu’il n’a point le caractère héroïque, et, qu’après les médailles, c’est le seul qui porte une inscription avec le nom d’Isotta. Ajoutons qu’il est dû, à n’en pas douter, à un des sculpteurs qui ont collaboré au temple de Rimini et qui a connu personnellement la régente. Je ne cite que pour mémoire la peinture de Pierro della Francesca du National Gallery de Londres ; une vague ressemblance dans la coiffure « à l’isotte, » qui constitue d’ailleurs la mode du temps, et le nom de l’artiste qui fut employé par Sigismond, auquel on l’attribue, ont porté les rédacteurs du catalogue à inscrire sous ce panneau le nom d’Isotta de Rimini, sans qu’on puisse considérer l’attribution comme certaine.

Les monumens sont à la portée de tous dans les collections

  1. Dizionario di erudizione storica ecclesiastica di san Pietro fino a nostri giorni ; Roma.