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dans ses Diarii, et Jacopo du Volterra, se sont faits les échos de cette rumeur populaire, et Filippo Ugolini dans son Histoire des ducs d’Urbin, après avoir chargé la mémoire de Robert du meurtre d’Isotta et de celui de ses deux fils, conclut ainsi : « Ce fut une justice de Dieu que celui qui avait empoisonné les siens mourût aussi par le poison. » Sixte IV, en mémoire de la victoire, fit élever l’église Santa Maria della Pace et il voulut qu’on dressât dans les grottes vaticanes un bas-relief commémoratif représentant le capitaine-général de ses troupes, avec cette inscription : Veni, vidi, vici.

Robert laissait plusieurs enfans ; l’aîné, surnommé par les habitans de Rimini Pandolfaccio, fut l’Augustule de la race dont Sigismond avait été l’Auguste ; confirmé dans la seigneurie en mémoire des vertus militaires de son père, il devait vendre un jour son domaine aux Vénitiens, et il allait tomber si bas qu’il devait mendier de cour en cour après avoir perdu ses états par sa perfidie et sa duplicité. Toutes ces seigneuries des Marches et des Romagnes étaient destinées à revenir au saint-siège et devaient former « les Légations. » Une première fois, César Borgia envahit Rimini ; puis ce fut le tour d’Adrien IV, qui, en juin 1528, y installa son légat. Rimini, qui le croirait ? aimait ses seigneurs et ne se soumit qu’à la force ; mais ce grand mouvement de transformation allait s’accomplir : le « vicariat du saint-siège » n’était pas une simple formule de protocole, et la cour d’Urbin elle-même, si fidèle aux pontifes, ne devait pas échapper à son destin.

Malatesta du Verucchio, le grand ancêtre, avait reçu l’investiture vers la fin du XIIIe siècle ; dès 1280, il ajoutait à son nom : dux senior et dominus Ariminensis, et Pandolfaccio, le dernier seigneur, était déclaré déchu après deux cent cinquante années de pouvoir de la dynastie qu’il représentait.

On voit quelle place ont tenue dans l’histoire générale de l’Italie ces capitaines d’aventure, condottieri devenus souverains. Leur importance politique est en disproportion avec l’étendue de leur territoire ; ils se sont fait de la guerre une spécialité ; c’est par la guerre qu’ils ont vécu, c’est par elle que s’éteignit leur dynastie. On comprend que c’est une tâche utile et pleine d’enseignement que de se proposer de restituer dans sa vérité historique une de ces petites cours des bords de l’Adriatique, car s’il est incontestable que l’Italie a subi pendant deux siècles la suprématie intellectuelle de la Toscane, il faut cependant reconnaître que, dès les premiers jours de la rénovation, il n’y eut jamais ni monopole ni centralisation. Naples avec Aragon, Rome avec les grands papes du XVe siècle, Milan avec Sforza, Urbin avec Montefeltre, et Ferrare avec Este, tout comme Venise avec le sénat et le grand conseil, et cette petite ville de Rimini avec Sigismond Malatesta : tous eurent leur mouvement