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plus de contrarier les opérations navales du Chili ni de disputer le passage à ses cuirassés, cependant quelques croiseurs péruviens tenaient encore la mer, et les bâtimens de transport chiliens, lourdement chargés, ne pouvaient gagner le large qu’à la condition d’être convoyés par des navires de guerre. L’Union, le Pilcomayo et le Chalaco croisaient sur les côtes, évitant tout engagement avec des forces supérieures, mais courant sus aux navires isolés. Le contre-amiral Riberos reçut l’ordre de leur donner la chasse et prit le commandement du Blanco-Encalada. Le 17 novembre, il partait de Pisagua ; le 18, en vue de Mollendo, il relevait à l’horizon trois colonnes de fumée et, forçant de vitesse, reconnaissait les trois vapeurs péruviens. L’incontestable supériorité de marche de l’Union ne permettait pas à l’amiral Riberos de la suivre : gagnant le large, elle disparut promptement à l’horizon. Le Blanco-Encalada se mit à la poursuite du Pilcomayo. Le navire péruvien fuyait à toute vapeur ; son adversaire forçait de marche. Pendant cinq heures et sur un parcours de 60 milles, les deux navires luttèrent de vitesse. Le cuirassé chilien gagnait lentement. A deux heures de l’après-midi, il n’était plus qu’à 5 kilomètres du Pilcomayo, qui ouvrit le feu. Son tir, bien dirigé, atteignit à plusieurs reprises le Blanco-Encalada en plein flanc, mais sur sa solide cuirasse les boulets glissaient sans l’entamer. L’amiral Riberos ne riposta pas. Acharné à la poursuite, il ne cherchait qu’à diminuer la distance qui séparait encore les deux navires. A trois heures, elle était de 4,300 mètres. Ordre fut donné de faire feu, et le premier projectile chilien vint briser le bout du grand mât de l’ennemi et éclata sur son avant, qui prit feu. Le Pilcomayo dut s’arrêter. Lancé à toute vapeur, le Blanco approchait si rapidement qu’il put diriger une pleine bordée de ses grands canons, de ses petits canons du pont, et des mitrailleuses des hunes. Profondément atteint, le Pilcomayo n’essayait plus de résister. L’incendie redoublait d’intensité à bord et, sur l’ordre du commandant Carlos Ferreiro, les matelots péruviens sabordaient leur navire pour l’empêcher de tomber aux mains de l’ennemi. D’un instant à l’autre, le feu pouvait gagner la soute aux poudres. Sans tenir compte du danger, l’amiral Riberos mit sa frégate bord à bord avec le Pilcomayo et fit transborder sur le Blanco les officiers et les matelots péruviens, puis, à la tête de son équipage, il attaqua l’incendie. Grâce aux puissantes pompes du cuirassé et à l’emploi des haches, on réussit à le dominer ; mais le navire coulait bas, l’eau l’envahissait par les valves ouvertes. Les plongeurs de la frégate chilienne réussirent aboucher la voie d’eau, et le Pilcomayo, remorqué par son vainqueur, fut ramené à Valparaiso, où, convenablement réparé et remis à flot, il alla grossir