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rupture, et l’amiral Montero accompagnait à la gare le président de la Bolivie quand, au moment de monter dans le train, ce dernier reçut une dépêche qui le frappa de stupeur. On lui annonçait que le camp de Tacna était en pleine insurrection, que ses officiers et ses soldats venaient de proclamer sa déchéance et son remplacement par le colonel Camacho.

Ce que la dépêche ne disait pas, c’est qu’un peloton d’exécution attendait à Tacna l’arrivée du train qui devait ramener le président Daza pour le passer par les armes. Soit qu’il soupçonnât le danger, soit plus vraisemblablement qu’il se fit encore des illusions sur l’importance de son rôle et l’étendue de son pouvoir, il resta à Arica et somma l’amiral Montero de faire immédiatement marcher ses troupes sur Tacna pour punir les révoltés et le réintégrer dans son commandement. Instigateur et complice du mouvement, Montero lui remontra avec le plus grand sang-froid qu’il ne pouvait agir sans les ordres de son gouvernement, ni risquer une bataille entre les deux armées alliées pour l’imposer à ses troupes insurgées et à La Paz révoltée. Abandonné de tous, le président Daza s’embarqua pour l’Angleterre.

A quelques jours d’intervalle, les deux présidens du Pérou et de la Bolivie disparaissaient de la scène politique et du théâtre des opérations militaires. Tout deux avaient, sinon voulu, tout au moins accepté la guerre désastreuse que leur imposait un parti turbulent ; tous deux avaient sacrifié au souci de leur popularité, à leur maintien au pouvoir, leurs convictions personnelles et le bien de l’état ; tous deux tombaient à la même heure victimes de revers qu’ils n’avaient su ni conjurer ni prévoir.

Le pronunciamiento militaire qui renversait Daza et le remplaçait, à la tête de l’armée bolivienne, par le colonel Camacho avait été préparé à La Paz, où la nouvelle fut accueillie non-seulement sans surprise, mais encore avec enthousiasme. Le général Narciso Campero, homme énergique et capable, fut appelé à la présidence. Son accession était vivement désirée de la population. Uni au colonel Camacho par les liens d’une étroite amitié et d’une mutuelle confiance, son premier acte fut de confirmer le choix fait par l’armée bolivienne et d’en donner le commandement à celui dont le coup de main hardi le débarrassait d’un rival et l’amenait au pouvoir. Assuré de n’être pas contre-carré dans ses plans, le colonel Camacho procéda activement à la réorganisation de l’armée bolivienne. Aimé des soldats, il sut s’en faire obéir et ranima leur courage. Campero lui fit parvenir des renforts, du matériel, et en peu de temps l’année bolivienne fut mise en état d’entrer en campagne. Maisentre Camacho et Montero régnait une sourde hostilité. La