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lui, est un des jeunes du cabinet et qui passe pour avoir de l’avenir, qui n’est point apparemment un « clérical, » mais qui dans tous les cas est moins engagé ; à l’instruction publique où ils sont maintenant ramenés, ils passent sous la direction d’un ennemi décidé, déclaré, et M, Paul Bert ne s’en cache pas ; il ne cherche nullement à dissimuler la portée de son audacieux radicalisme. Il a rempli ses harangues de ses sarcasmes et de ses négations des religions. Il ne fait pas mystère de ses sentimens sur les croyances religieuses, particulièrement sur la foi catholique, et il n’affecte pas quant à lui de distinguer entre le « cléricalisme » et le catholicisme : tout cela ne fait qu’un, c’est une « école d’imbécillité, d’antipatriotisme et d’immoralité ! » Dans ces Discours parlementaires qu’on recueille aujourd’hui, qui ne manquent certainement pas d’intérêt, il l’a dit tout haut : « Nous ne parlons pas la même langue, nous les fils de la révolution, et d’autre part les représentans, les champions et les défenseurs de l’église catholique. » Que M. Paul Bert, comme orateur parlementaire, comme savant, ait toutes les opinions qu’il voudra, il est libre ; mais le jour où il devient un représentant de l’état en matière de culte, n’est-on pas en droit de montrer ce qu’il y a dans cette situation de blessant pour l’église, à qui on donne un ministre ainsi disposé, et de peu digne pour le ministre lui-même qui, avec ces opinions déclarées, accepte la direction d’un grand service public toujours délicat ? Si on ne parle pas la même langue, convenez qu’il est difficile de s’entendre pour maintenir la paix des consciences, qui est pourtant aussi un intérêt national.

A la vérité, le nouveau ministre, en recevant récemment les fonctionnaires de la direction des cultes, a essayé d’expliquer comment il comprend son rôle. Il a dit que l’administrateur des cultes ne devait être ni religieux ni antireligieux, qu’il devait exécuter et faire respecter les lois. C’est vrai, si l’on veut ; seulement on ne tarde pas à s’apercevoir que, dans la pensée de M. Paul Bert, l’exécution des lois signifie tout simplement qu’on doit revenir le plus promptement possible à un programme qu’il a exposé il y a quelque temps, qu’il n’a pas sûrement abandonné. « Il faut, disait-il, enlever au clergé toute influence sur l’éducation publique ; il faut supprimer l’exemption du service militaire pour ses prêtres, rendre à l’état et aux communes les édifices qu’occupent indûment ses évêques et ses séminaires, enlever à ses ministres les préséances orgueilleuses dont ils se parent… Il faudra revenir à la stricte exécution du pacte contracté par le pape lui-même ; ne plus payer canonicats ni bourses de séminaires, ramener à l’état d’indemnités gracieuses les traitemens dits obligatoires des desservans, etc. » Le programme est complet et retrouve tout son à-propos.

Ainsi voilà un ministre des cultes qui est dans une étrange position ! Il ne tarit pas de sarcasmes sur l’église, sur ses chefs, sur