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Saint-Pétersbourg, M. le général Chanzy. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il ne réussira qu’à ce prix à effacer devant la France et devant l’Europe la mauvaise impression d’une médiocre et dangereuse entrée en scène.

La restauration espagnole date déjà de près de sept ans, et si, à l’origine, elle s’est accomplie sans effort, sans résistance, par une sorte de retour spontané de l’opinion, elle n’a pas moins eu depuis ses épreuves sérieuses. Elle a eu le soulèvement carliste à dompter dans ses provinces du nord, l’insurrection de Cuba à vaincre, l’ordre constitutionnel à réorganiser tout entier, à dégager de la confusion où une crise révolutionnaire de quelques années laissait la Péninsule. Elle a heureusement trouvé dans le jeune roi qui reprenait la couronne sous le nom d’Alphonse XII un prince d’esprit fin, d’une raison prématurée, et dans l’homme qui a été le premier ministre de la royauté renaissante, dans M. Canovas del Castillo, un politique supérieur qui à conduit ses affaires avec autant de résolution que de dextérité. C’est en définitive M. Canovas del Castillo, on ne peut pas lui enlever cet honneur, qui a réussi à pacifier la Péninsule, à rétablir une situation régulière, sans tomber dans la réaction, en restant dans les limites d’un régime constitutionnel et parlementaire. Ce qu’il a voulu reconstituer, ce qu’il a rétabli avec l’appui du prince et le concours des cortès, c’est une monarchie à la fois traditionnelle, nationale par son origine, et libérale par les garanties qu’elle consacre. L’œuvre a été accomplie avec succès, elle est maintenant hors de contestation. Une difficulté restait encore dans un pays où tous ces essais qui se sont succédé pendant quelques années, — la constitution démocratique de 1869, la monarchie élue et étrangère, la république elle-même, — laissaient des partis ou des débris de partis survivant aux événemens qui les avaient produits, gardant encore les souvenirs ou les engagemens d’un récent passé. Il s’agissait, pour la royauté nouvelle, représentée par un jeune souverain, d’achever de réduire à l’impuissance ces vieux restes des partis hostiles en prouvant qu’elle pouvait se prêter à toutes les combinaisons des partis réguliers, qu’elle n’excluait ni les hommes des précédens régimes, ni les idées libérales qu’ils peuvent aspirer à réaliser dans les limites de l’ordre constitutionnel. C’est en somme la très intéressante expérience qui se poursuit depuis quelque temps au-delà des Pyrénées.

Lorsqu’est survenue, au mois de février dernier, la crise qui a déterminé la retraite de M. Canovas del Castillo après six années presque ininterrompues de ministère et a élevé à la présidence du conseil le chef de l’opposition, M. Mateo Sagasta, ce changement n’avait point en réalité d’autre signification ; il représentait une sorte de détente entre les partis, dans la vie constitutionnelle de l’Espagne. On reprochait, avec exagération sans doute, à M. Canovas del Castillo de trop s’obstiner au pouvoir, d’absorber pour ainsi dire la monarchie en paraissant