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« Pour ma part, je n’ai jamais hésité à rendre hommage au gouvernement impérial pour la guerre de Crimée, car à mes yeux le premier des intérêts est toujours l’intérêt du pays. »

Cette première guerre passée, il ne voyait plus que déviations et confusions ; il s’arrêtait ! Il résistait de toute la force de sa pensée à la politique qui avait fait la guerre d’Italie. Il résistait bien plus encore à la politique qui permettait le démembrement du Danemark et qui, en livrant ce malheureux petit pays danois, préparait la transformation de l’Allemagne par les armes, une redoutable révolution d’équilibre en Europe. Il résistait aux « expéditions lointaines. » Il luttait pied à pied contre ce qui lui semblait périlleux pour la France, et ici je voudrais serrer de plus près cette grande controverse où s’agitait le destin du pays, où un homme, presque seul parfois, tenait tête à un gouvernement abusé. Je voudrais dégager les points principaux de ces questions qui se succédaient, sans oublier que parmi les causes que M. Thiers combattait, il en est que le libéralisme français a défendues, en me souvenant aussi, selon le mot de Schiller, repris et commenté un jour par M. de Rémusat, qu’il faut respecter les rêves de sa jeunesse et que la meilleure manière de les respecter est de ne point dire qu’ils étaient des rêves.


IV

Non, sans doute, il n’y avait rien de vulgaire, rien qui ne fut digne de la France, dans la pensée d’aider une indépendance à naître au-delà des Alpes, de trancher par l’épée le nœud d’une situation devenue assez grave pour qu’il n’y eût plus qu’à choisir entre « l’Italie libre jusqu’à l’Adriatique » et l’Autriche étendant sa domination directement ou indirectement jusqu’au détroit de Messine. Cette politique ne s’inspirait pas seulement de l’esprit de la révolution française, elle n’avait par elle-même rien que de conforme à une vieille tradition de diplomatie nationale, à cette idée constante d’éloigner la puissance impériale ou autrichienne de notre frontière des Alpes. C’était, dans des conditions plus compliquées, plus difficiles si l’on veut, la continuation ou le complément d’une politique qui a toujours tendu à entourer la France de nationalités nouvelles, d’indépendances amies. Cette question italienne, elle naissait du cours des choses, du mouvement de l’histoire, elle appelait une solution ; mais il est bien clair en même temps que, si l’on se décidait à la guerre, la première condition était de savoir ce qu’on voulait, qu’avant de s’engager il fallait avoir la résolution de garder jusqu’au bout la direction des événemens. Il est bien clair qu’on ne devait pas aller verser le sang de cinquante mille hommes et