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affectant de se résigner, il gardait l’arrière-pensée de chercher quelque revanche, ne fût-ce que quelque petit dédommagement d’amour-propre, au risque de s’attirer de nouveaux déboires et de se créer une situation encore plus fausse vis-à-vis de l’Allemagne. Il restait livré au hasard ! D’un autre côté, à l’intérieur, depuis le 24 novembre 1860, il était dans une voie qui s’élargissait tous les jours, parfois un peu avec son consentement, plus souvent malgré lui, sous la pression croissante de l’opinion. Il voulait et il ne voulait pas. Il avait de la peine à se dessaisir du principe d’omnipotence inscrit dans sa constitution, surtout à paraître fléchir devant l’esprit parlementaire, et en même temps il sentait plus que jamais dans ses détresses extérieures le besoin de chercher un appui dans le pays, de regagner la confiance de l’opinion. A quoi se déciderait-il ? que ferait l’empire ? C’était le grand procès obscur et confus qui se débattait devant la France, devant l’Europe.

A la vérité, un moment, au lendemain des vives émotions de l’automne de 1866, l’empire avait paru vouloir faire un pas de plus en avant, et, à travers bien des hésitations, bien des négociations mystérieuses, il s’était décidé pour des concessions nouvelles résumées dans une lettre impériale, dans ce qu’on appelait l’acte du 19 janvier 1867. C’était sans doute un progrès de rétablir, ne fût-ce qu’indirectement, le régime parlementaire par l’envoi de tous les ministres devant les chambres, surtout d’annoncer la substitution du droit commun à l’arbitraire administratif dans les affaires de la presse. Malheureusement cet acte du 19 janvier, loin d’être, selon le langage du temps, un « couronnement de l’édifice, » tirait de son origine même aussi bien que des circonstances un caractère équivoque. Il apparaissait comme l’expression d’une politique décousue et timide : en restituant aux chambres le droit d’interpellation sévèrement réglementé, il leur retirait la discussion de l’adresse. Ce qu’on semblait accorder, on l’atténuait par les interprétations dans l’application. La réforme, encore une fois, restait confuse, indécise, comme tout ce qui émanait d’une pensée qui avait toujours été vague et obscure, qui restait plus que jamais nuageuse. Napoléon III, à cette époque, commençait à se sentir affaissé et comme perdu au milieu des complications qu’il avait amassées autour de lui. Il n’avait jamais été actif ; il l’était encore moins désormais. Il agissait en prince ennuyé et embarrassé, déjà atteint par la maladie, tenant par orgueil à son pouvoir et cédant par inertie à des nécessités qu’il croyait ne pas pouvoir éluder. Chose plus grave enfin ! cet acte du 19 janvier 1867, à peine promulgué, se compliquait à deux mois de distance de cette médiocre et dangereuse affaire du Luxembourg, qui risquait la paix du monde pour un petit résultat, qui ressemblait à une surprise et envenimait nos rapports