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Une partie des observations qui précèdent pourrait s’appliquer au cours de législation. Le mélange du supérieur et du secondaire est ici plus manifeste encore. Car, il faut le remarquer, ce n’était pas la législation usuelle et pratique qu’on devait enseigner dans les écoles centrales, comme on l’enseigne aujourd’hui dans les écoles professionnelles, c’était surtout la législation politique. L’objet de cet enseignement, c’était de « populariser les grands principes de la morale républicaine. » Lakanal le confesse dans son rapport. Le morceau mérite d’être cité. « Rapprochez de vous, disait-il, les langues principales de l’univers moderne ; ce n’est que par là que la vôtre peut se perfectionner ; et vos idées ne s’étendront, ne se rectifieront que par l’importation de toutes les idées étrangères. Dès lors, la poésie, l’éloquence, qui agissent si fortement sur un peuple libre, prendront en France le caractère qu’elles doivent avoir et qu’elles n’ont jamais eu ; dès lors, au lieu d’Anacréons, vous aurez des Tyrtées et des Homères ; au lieu d’Isocrates, vous aurez des Démosthènes, surtout si par vos institutions les grands principes de la morale républicaine deviennent populaires et si votre législation sublime cesse d’être la science du petit nombre. »

Cette législation sublime était déjà représentée dans l’école primaire par le Catéchisme républicain et la récitation des Droits de l’homme. Il était juste qu’elle eût dans les écoles centrales ses chaires et son enseignement particuliers. Tout s’enchaîne et se tient dans ce plan « vraiment géométral. » Ayant mis la politique au premier degré, il fallait bien lui faire sa place au second. La convention eût manqué de logique en négligeant ce point ; il lui importait plus que tout le reste ; du moins elle le crut. Grave erreur : en effet, on l’a vu le cours de législation fut un de ceux qui réussirent le moins ; il occupe l’avant-dernier rang sur le tableau que nous avons dressé. Dès le principe, il fut en butte à d’invincibles méfiances ; il fit peur aux familles. Elles y virent, non sans raison, une sorte d’usurpation de leurs droits, quelque chose comme une main-mise de la puissance publique sur le domaine de la conscience et de l’autorité paternelle. Le problème de la liberté d’enseignement et des droits de l’état apparaît déjà là, posé comme il l’est encore de nos jours, entre des prétentions contradictoires et difficilement conciliables ; pareillement aussi, il se complique et s’aggrave d’une question religieuse.

Dans l’ancienne organisation des collèges, l’enseignement religieux occupait une place importante ; on le considérait comme une partie nécessaire de l’instruction. Celle-ci ne devait pas se contenter de former l’esprit et de faire d’honnêtes gens ; il fallait encore et surtout qu’elle contribuât à élever de pieux chrétiens. C’est le but que le préambule du fameux règlement d’Henri IV assignait