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ses parties, a produit l’effet qu’on devait en attendre, et le tableau que je vais vous tracer, citoyens consuls, extrait fidèlement de la correspondance des préfets et du compte-rendu du conseil d’instruction publique, vous prouvera à quel degré de profondeur a pénétré le mal…

« Écoles centrales. — Cet objet est d’une si haute importance que je crois devoir parcourir rapidement l’état de chacun des cours établis par la loi ; je réunirai seulement ceux qui ont entre eux un grand rapport :

« Dessin, histoire naturelle et mathématiques. Ces trois cours sont les plus suivis ; ils l’ont toujours été ; mais depuis le 1er  nivôse jusque aujourd’hui, le nombre des élèves s’est accru, soit parce que le goût de l’étude s’est développé avec la liberté, soit parce que la réquisition étant devenue moins sévère au moyen des remplacemens, tous ceux qui ont eu quelque aptitude ont continué leurs travaux.

« Dans les départemens, le dessin est l’école des artisans ; c’est là, il faut le dire, un des plus grands résultats de la révolution. Je ne doute pas que les arts mécaniques n’y gagnent…

« Les mathématiques ont aussi plus d’élèves depuis le 1er  nivôse. L’espoir d’arriver à l’École polytechnique et par là de s’affranchir de toute réquisition et d’arriver ensuite à un état honorable et utile est un stimulant pour les enfans et pour leurs parens. Ceci prouve combien il est nécessaire de donner un but à l’étude, si l’on veut en assurer le succès.

« Les cours de physique et de chimie sont moins fréquentés que les précédens, et dans beaucoup d’endroits les écoles manquent des choses nécessaires aux démonstrations ; il y a, au reste, une grande infériorité entre ces professeurs et ceux de mathématiques.

« En général, les professeurs de langues anciennes sont peu instruits. Il en est à peine un tiers qui puisse enseigner le grec et il en est plusieurs qui n’écrivent que très imparfaitement l’orthographe… On en peut dire autant des professeurs de belles-lettres.

« La grammaire générale, l’histoire et la législation n’ont jamais été beaucoup suivies parce qu’il est impossible de déterminer la matière de l’enseignement et d’en fixer la forme… Aujourd’hui, ces trois études sont tombées dans le plus absolu discrédit et les écoles sont tout à fait désertes. »

Le défaut d’un programme et d’un règlement général établissant entre les divers cours des écoles centrales une relation et des rapports nécessaires, voilà donc, au dire des contemporains les plus qualifiés[1], la cause principale du peu de succès de ces

  1. Nous pourrions ajouter à ces témoignages celui du conseil d’instruction publique institué par François de Neufchâteau. Il existe aux Archives un volumineux rapport qui porte la signature des membres de ce conseil (Lagrange, Darcet, Daunou, Garat, Ginguené, Destutt de Tracy, Palissot, Domergue, tous membres de l’Institut) et dont les conclusions sont entièrement conformes aux appréciations qu’on vient de lire. Malheureusement, l’espace nous manque pour les reproduire ici, même en substance, et ce n’est qu’incidemment que nous pouvons invoquer l’autorité de ce premier conseil de l’instruction publique, dont, par parenthèse, aucun des écrivains spéciaux qui se sont occupés de pédagogie ne semble avoir soupçonné l’existence.