Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/885

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

désormais autorité. Il ne s’en est pas rapporté aux travaux de ses devanciers, il a tout vu par lui-même ; — musées des capitales et des villes secondaires de l’étranger, de Paris, de la province, collections privées, célèbres, ou peu connues, il a tout fouillé, remué, interrogé, contrôlé. Tous les dessins qu’il décrit ont passé par ses mains, depuis les dessins de l’enfance jusqu’aux derniers travaux de la maturité. En limitant ainsi l’objet de son travail, M. Ephrussi n’a pu néanmoins se désintéresser absolument de la biographie de l’artiste. Aussi n’a-t-il rien omis de ce qui pouvait expliquer, commenter, illustrer ces feuillets fragiles. Pour en dégager le sens, il a dû faire quelques incursions dans la vie de Dürer, le suivre dans ses voyages à travers l’Allemagne, l’Italie et dans les Flandres, le chercher au milieu de sa famille, de ses amis, et dans ses rapports avec les princes et les puissans de son temps, multiplier les pièces justificatives, traduire à nouveau tous les textes. Quant aux reproductions d’œuvres de Dürer qui accompagnent ce travail (une centaine dans le texte et plus de trente hors texte), elles ont presque toutes, et sauf quelques portraits, comme ceux d’Albert Dürer lui-même ou de sa femme, l’intérêt de l’inédit. L’auteur a écarté les morceaux tombés depuis longtemps déjà dans le domaine de la curiosité publique, pour mettre en lumière des pièces peu connues, empruntées à des collections privées, moins facilement ouvertes que les collections nationales aux amateurs et surtout aux photographes. Mais ce sont là des pierres isolées qu’il faut reprendre, réunir, classer pour élever le monument définitif que le génie d’Albert Dürer attend encore de nos écrivains d’art. Ce monument, M. Charles Ephrussi doit l’achever. Aux documens déjà publiés nous souhaitons que l’auteur ajoute, dans un ordre méthodique et sans en rien excepter, toutes les lettres de Schrober, de Hartmann, de Mélanchthon, de Pirkheimer, du prince Ulrich de Brunswick, celles de tous les contemporains, où il est question d’Albert Dürer. J’y voudrais voir aussi la traduction de la préface mise par Camerarius en tête de l’édition latine de l’ouvrage d’Albert Dürer sur les Proportions du corps humain, préface pleine de documens précieux sur l’illustre artiste. On y joindrait un relevé aussi complet que possible du petit nombre de notes manuscrites, ajoutées par le maître sur ceux de ses dessins qui sont dans les collections publiques et privées, ainsi que les passages de ses différens ouvrages qui expriment des idées générales sur l’art ! Enfin tous nos vœux seraient satisfaits si l’Albert Dürer, alors complet, de M. Ephrussi contenait un spécimen au moins de chacune des grandes séries qui composent l’œuvre gravé d’Albert Dürer.