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ennemi, ne nous offrira plus que le spectacle de ses dissensions intérieures. C’est un peu le cas de la Serbie à l’époque où nous sommes arrivés de son histoire. Si la Serbie n’a pas mis tout à fait les Turcs hors de chez elle, du moins elle n’a plus rien à craindre d’eux, et toute l’habileté de ses princes et de ses hommes d’état va consister désormais à accepter ou à refuser dans une adroite mesure les offres de protection et de médiation dont la Russie et l’Autriche ont pour elle les mains pleines. Double et heureuse sollicitude en somme qui empêchera le patriotique peuple de Serbie de tomber entre les mains de l’un de ses deux puissans voisins.


II

L’histoire politique de la Serbie se divise, à partir de 1813 jusqu’à nos jours, en plusieurs périodes que nous résumerons brièvement. La première est connue ; elle commence à l’époque où Kara-George abandonne sa patrie et finit en 1817, alors que Milosch, à la suite de son appel aux armes, acquiert par l’habileté de sa politique une sorte de souveraineté qui n’existait guère que dans le cœur du peuple serbe, la Turquie ne la lui ayant pas accordée encore d’une manière officielle. De 1817 à 1830 s’étend la seconde période : c’est lorsque l’empire ottoman finit par reconnaître héréditaire dans la famille de Milosch Obrenovitch le titre de kniaze ou prince, qui lui avait été décerné spontanément, dès l’année 1817, par la nation serbe reconnaissante.

Dans le courant de la même année, 1817, se passa un événement tragique, qui fut un malheur pour le prince Milosch, car ses ennemis s’en servirent pour le forcer plus tard à abdiquer. Kara-George, réfugié en Bessarabie, rentra inopinément dans sa patrie. Voulait-il renverser Milosch ou effacer la honte de sa fuite par une action d’éclat ? On l’ignore. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il passa le Danube sans en aviser personne et vint s’asseoir au foyer de l’un de ses anciens compagnons d’armes, l’ex-voïvode Vonitza, dans le bourg d’Asagna, près de Smederova.

À cette nouvelle inattendue, qui peut détruire toute une œuvre laborieusement préparée, Milosch, consterné, fait venir l’ex-voïvode et lui ordonne d’expulser à tout prix son hôte. « C’est d’autant plus urgent, dit-il à Vouitza, que je viens d’apprendre que les Turcs envoient mille hommes à Asagna pour s’emparer de leur ancien vainqueur. S’il leur échappe et fuit dans la montagne, c’est la guerre qui va recommencer… » Vouitza repart pour Asagna promettant d’obliger Kara-George à prendre la fuite. Que se passa-t-il ? Un drame