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Un voyageur qui ne pèche point par excès d’enthousiasme, c’est le voyageur italien dont on nous donne cette année, très bien imprimé, très bien illustré, le Voyage au Maroc[1], M. Edmondo de Amicis. Peu de voyageurs sont plus faciles, plus amusans, et plus profitables à suivre. C’est que tous ses récits sont marqués au même coin d’humoristique sincérité. M. de Amicis a cette rare qualité qu’il ne voit pas comme tout le monde et qu’il ne se croit pas tenu de sentir sur la foi de Murray, de Bædecker ou de Joanne. Homme d’esprit, observateur pénétrant, parfois même profond, metteur en œuvre très habile et conteur animé, persuasif, entraînant, ce qui ne va pas sans beaucoup d’imagination, les récits de M. de Amicis sont-ils toujours d’une rigoureuse exactitude ? C’est de quoi, ne connaissant ni Tanger ni même Constantinople, nous ne pouvons répondre. Mais ce que nous dirons, c’est qu’en aucun état de cause nous ne voudrions que ces récits mêmes fussent autres qu’ils ne sont. Tant pis pour le Maroc et tant pis pour Constantinople, si, par hasard, ils ne ressemblaient pas au portrait que nous en a tracé le voyageur ! Le Maroc est dans son tort. C’est le voyageur qui a raison. Ce qui d’ailleurs nous fait croire aisément que les impressions de M. de Amicis doivent être aussi vraies qu’amusantes, c’est que M. de Amicis a visiblement ce don, si rare, de communiquer sa sensation telle qu’il l’a reçue, simplement et fortement. Nous engageons donc tous nos lecteurs à lire non-seulement le Maroc, mais aussi les autres voyages de M. de Amicis, en nous excusant d’avoir attendu jusqu’au temps des étrennes pour les leur signaler.

C’est un autre genre d’intérêt que présente le volume de M. F. Kanitz, traduit ou réduit de l’allemand sous le titre de la Bulgarie danubienne et le Balkan[2]. L’ouvrage ne représente pas moins de vingt ans de voyages, d’excursions, d’études, de recherches enfin de toute sorte pour faire connaître à l’Europe un pays, un peuple, une histoire qu’en effet elle ne connaissait guère. M. Kanitz a raison de croire que, dans l’état présent des choses orientales, ses Études ne sauraient manquer d’attirer une attention toute particulière, mais il nous semble qu’en tout temps, le succès n’aurait pu leur faire défaut.

Le très original voyage du major de Serpa Pinto : Comment j’ai traversé l’Afrique[3] rentre dans la catégorie des voyages d’exploration de cette terre, toujours mystérieuse, en dépit de ce que le siècle y a déjà dépensé d’efforts vraiment héroïques, de courage trop souvent malheureux, et de dévoûment mal récompensé. Le voyage de M. de Serpa Pinto, du

  1. Le Maroc, par M. Edmondo de Amicis, traduction de M. Henri Belle, i vol. in-4o ; Hachette.
  2. La Bulgarie danubienne et le Balkan, par M. F. Kanitz, 1 vol. in-8o ; Hachette.
  3. Comment j’ai traversé l’Afrique, par le major Serpa Pinto, traduction de M. Belin de Launay, 2 vol. in-8o ; Hachette.