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UN
PHILOSOPHE HISTORIEN

: Les Origines de la France contemporaine, par M. H. Taine, de l’Académie française, — T. I. L’Ancien Régime, — T. II et III. La Révolution, 3 vol. in-8o, Paris, 1877-1881 ; Hachette. 


I

Il y a deux sortes et comme deux races d’historiens : ceux qui écrivent pour raconter et expliquer les faits, ceux qui ne font de l’histoire que pour démontrer une thèse, et qui dans l’étude du passé ont toujours en vue les luttes du présent. M. Taine n’est pas de ces derniers, il s’en défend avec énergie, et l’on peut l’en croire sur parole. L’histoire, pour lui, n’est qu’une science d’observation, et il la traite comme telle, sans passion ni arrière-pensée. Il peut se rendre ce rare témoignage d’être exempt de toute prévention politique, nationale, religieuse, de tout préjugé de tempérament, d’éducation, ou de classe ; aucun historien n’a jamais été dans de meilleures conditions d’impartialité, et, pour employer le mot de l’école, d’objectivité. Et pourtant, parmi les nombreux lecteurs des Origines de la France contemporaine, bien peu oseraient soutenir que c’est là une œuvre entièrement objective, dégagée de toute idée préconçue, de tout subjectivisme. Où donc est la raison de cette apparente contradiction entre l’historien et son œuvre ? Elle est avant tout dans sa philosophie. Si, en politique, M. Taine n’est inféodé à aucun parti, ne relève d’aucune école, il n’en est pas de