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chargé d’examiner toutes les plaintes que provoquerait à l’avenir la violation de la convention et de statuer sur les demandes en dommages-intérêts. C’est ce que tout fait souhaiter, ce que rien ne fait espérer. La plupart des publicistes allemands ont voué, par malheur, une certaine rancune à la convention de Genève, et surtout aux articles additionnels de 1868, s’évertuent à en montrer les incohérences et les exagérations, et déclarent qu’il n’y a pas moyen de se conformer à quelques-unes de ces dispositions, « issues d’une fausse sentimentalité. » Les puissances signataires remanieront en temps et lieu ce qu’elles croiront devoir remanier dans l’œuvre de 1864 et de 1868 : il appartient à la diplomatie, jusque-là, de rappeler sans relâche les belligérans au maintien de leurs engagemens, l’Europe au respect de sa propre volonté.

C’est au même mouvement d’opinion, déterminé par les mêmes causes, qu’il faut rattacher la déclaration du 11 décembre 1868, arrêtée à Pétersbourg sur la proposition de la Russie et acceptée par tous les états de l’Europe. Les parties contractantes y promettent de renoncer, en cas de guerre entre elles, à l’emploi par leurs troupes de terre et de mer de tout projectile inférieur à 460 grammes qui serait explosible ou chargé de matières fulminantes ou inflammables. La Prusse avait proposé, par une note du 29 juin 1868, une mesure plus générale et l’interdiction d’une série d’engins de destruction; mais cette proposition, qui déplaisait au gouvernement anglais, ne fut pas agréée. Voilà néanmoins une excellente application, quoique trop restreinte, des principes vulgarisés par la science moderne du droit international. Le préambule de la déclaration est remarquable; les contractans ne dédaignent pas d’y expliquer leur conduite et de donner au reste du monde une leçon sommaire de philosophie. On y lit que le progrès de la civilisation doit atténuer le plus possible les calamités de la guerre ; que le seul but légitime de la guerre est l’affaiblissement des forces militaires ennemies; que ce but serait dépassé si l’on employait des armes qui pussent aggraver inutilement les souffrances des hommes hors de combat ou rendre leur mort inévitable, etc. Ainsi donc un certain nombre de peuples, dont quelques-uns viennent de se combattre, dont quelques autres vont se combattre, cherchent ensemble, en raisonnant sur les « calamités » de la guerre, un moyen d’assurer le respect des personnes et de ménager la vie humaine pendant les hostilités. Peu de documens font mieux comprendre l’élan général des esprits et le progrès accompli depuis cinquante ans.

Ce progrès n’est pas moins manifeste en ce qui concerne le respect des propriétés dans les guerres continentales. Qu’on écoute Grotius : « On peut, dans une guerre juste, prendre, d’après le droit « de la nature, » autant de choses qu’il en faut pour égaler