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à l’entretien et au transport des troupes et du matériel de guerre si ces contributions étaient consacrées par l’usage dans le pays et ne sont pas contraires aux lois de la guerre? » Quoi! non-seulement le logement, mais encore l’entretien, tout l’entretien (et les publicistes étrangers sont les premiers à nous dire dans quelle large acception ce mot fut entendu pendant la guerre franco-allemande), non-seulement l’entretien, mais le transport des troupes, et jusqu’au transport du matériel ! C’est, à coup sûr, réduire à la plus profonde misère une foule de gens inoffensifs auxquels l’envahisseur a pourtant promis, « en grand, » comme on dit à Heidelberg, la protection de ses armées. Quel est donc le fondement d’un pareil droit? Les lois de la guerre? C’est résoudre la question par la question. Les usages locaux? Ils sont bons à consulter quand il s’agit du mur et du fossé mitoyens, comme nous l’apprend le code civil français ; mais l’usage local n’a jamais réglé ce qu’on peut prendre sans paiement, en temps de guerre, aux habitans d’un territoire occupé.

Toutefois Bluntschli condamne les réquisitions purement pécuniaires et garde, il faut le dire, assez d’impartialité pour blâmer les Prussiens d’y avoir recouru sans motifs suffisans a dans plusieurs guerres récentes. » Il n’est peut-être pas de problème international sur lequel doive, aujourd’hui, se concentrer plus vigoureusement l’effort des publicistes. Il n’y a pas là seulement, en effet, une question, mais deux questions connexes. L’usage des réquisitions pécuniaires est condamnable non-seulement parce que le belligérant n’a pas à sa disposition le patrimoine des communes ou des particuliers contre lesquels la guerre n’est pas dirigée, mais encore parce que celle-ci ne peut jamais dégénérer en opération commerciale au profit d’un peuple ou de ses soldats. Or, s’il est ainsi des contributions que l’envahisseur prélève avant la fin des hostilités, il n’en saurait être autrement des énormes indemnités que le vainqueur extorque au vaincu quand les hostilités sont terminées. Tout le monde sait que, dans la pratique contemporaine, ces indemnités excèdent de beaucoup soit les frais mêmes de la guerre, soit le montant des dédommagemens alloués aux blessés ou à leurs familles. Dès lors comment justifier cette coutume du XIXe siècle? Je parle à dessein du XIXe siècle parce que la cause du droit y a, cette fois, reculé plutôt qu’avancé! On rencontre, Calvo l’a fait observer avec raison, peu d’exemples de ces réclamations exorbitantes avant les guerres de la révolution et de l’empire; mais, si l’on parcourt la liste des armistices ou des traités de paix conclus en Europe depuis 1796 jusqu’en 1871, on voit ce déplorable usage s’établir, croître, et s’enraciner chaque jour plus fortement dans les mœurs internationales. Nous nous faisions payer par la Prusse, après Iéna, 120 millions a tant pour contributions extraordinaires que pour arriéré de revenus ; »