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de populations dont chacun redoute les appétits sanguinaires. Pendant de longues années, ils ont peu de succès ; ils ne parviennent point à prendre d’influence sur l’esprit des insulaires ; mais à tous les yeux ils offrent un exemple d’une immense portée ; — ils montrent qu’on peut vivre presque en sécurité parmi les sauvages alors réputés les plus cruels entre tous ceux des archipels de la Mer du Sud. L’exemple sera d’un effet puissant. Parfois on reproche aux ministres de l’église anglicane de s’occuper de leur fortune personnelle ; on répète que sous les apparences du zèle religieux, du dévoûment à l’humanité, du désir d’éclairer des peuples qui ne demandent pas à changer de condition, ils songent à s’enrichir par tous les genres d’affaires. À la Nouvelle-Zélande, ils se sont emparés de terres qui devaient acquérir une valeur énorme. N’est-ce point par le défaut de désintéressement, par le goût des biens temporels que les pasteurs évangéliques ont été si utiles aux colonies de l’Angleterre ? Comment chercher l’abnégation chez les membres du clergé protestant ? Ils ont à remplir les mêmes devoirs de société que les autres hommes. Mariés, pères de famille, ces serviteurs de l’église n’ont pas le droit de négliger les intérêts de la famille, d’oublier le sort de leurs enfans. S’ils ne donnent pas le spectacle des vertus des premiers chrétiens, ils mettent une habileté incomparable, une patience inouïe, une opiniâtreté terrible dans la lutte contre les obstacles ; de la sorte, ils préparent les voies à leurs compatriotes. Aussi, grâce à leur secours, le flot des immigrans va monter vite à la Nouvelle-Zélande.

En 1818, six baleiniers viennent jeter l’ancre à la baie des Iles ; de 1823 à 1829, on compte chaque année au même mouillage une vingtaine de navires ; ce nombre s’élève à soixante en 1830 ; — il était de cent vingt en 1838 ; cette dernière année, arrivèrent quelques baleiniers français, qui, jusqu’alors, n’avaient jamais fréquenté ces parages. De la plupart des navires débarquait un certain nombre d’individus qui demeuraient dans le pays. Les communications de la Nouvelle-Galles du Sud et de la Tasmanie avec la Nouvelle-Zélande devenaient chaque jour plus fréquentes. Le porc et les pommes de terre, qu’on se procurait à bon compte, attiraient à la baie des Iles les bâtimens de pêche et de commerce. L’exploitation des bois de charpente amena des bûcherons. Des marchands de Sidney et d’Hobart-Town commencèrent à fonder des établissemens fixes sur les rivages de certaines baies ou sur les bords des cours d’eau navigables. On vit alors s’installer dans le pays quelques trafiquans plus ou moins honnêtes ; mais, dans l’ensemble, quelle population ! Le rebut des sociétés : des déserteurs de la pire engeance, des convicts libérés et des convicts échappés des pénitenciers, des banqueroutiers, des exploiteurs de tous les vices, des débitans de