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vices où s’étaient plongés leurs compatriotes vivant au contact de la population européenne des ports de mer. Sur les plus déshérités du côté de l’intelligence, le nouveau culte avait produit un bienfait, l’adoucissement des mœurs. Il n’était donc pas extraordinaire de voir les ministres de l’église se flatter de finir par exercer une domination un peu générale.

Au mois d’octobre 1835, M. Busby annonce à ses compatriotes qu’il vient d’être informé de l’arrivée prochaine d’un prétendant à la souveraineté de la Nouvelle-Zélande. Aussitôt il convoque, à sa résidence de Waïtangi, les chefs de la baie des Iles et des pahs les plus voisins, et dicte la déclaration de « l’indépendance des peuplades de la partie septentrionale de la Nouvelle-Zélande (Iles du Nord). » On faisait ainsi parler les Maoris : «Nous, les chefs héréditaires et les principaux des tribus des parties nord de la Nouvelle-Zélande, étant assemblés à Waïtangi le 28 octobre 1835, déclarons l’indépendance de notre pays, qui est, par les présentes, constitué et déclaré indépendant sous le nom de Tribus unies de la Nouvelle-Zélande… » Trente-cinq chefs apposèrent leur marque ; deux missionnaires et le résident signèrent comme témoins. S’ils n’étaient que trente-cinq, tous habitant la même région de la Nouvelle-Zélande, on ne défendait point à d’autres de faire acte d’adhésion. Les tribus unies sur une terre où les tribus vivaient en continuelle hostilité ! On se répétait que chacun de ces chefs signataires de la déclaration d’indépendance n’irait pas à 50 milles de son village sans risquer d’être mangé. On regardait cet état indépendant, ce pouvoir souverain, comme une simple confédération de missionnaires dont il était juste de ne séparer en aucune façon M. Busby. Les pasteurs évangéliques ne souriaient guère à l’idée de voir arriver un nombre considérable de colons. Ils possédaient de vastes domaines ; si les naturels étaient encore un peu anthropophages, du moins ils venaient à la chapelle et travaillaient à bon compte. De son côté, le résident britannique avait acquis une superbe propriété. On demeurait sur un sol fécond, dans un air tiède, avec toutes les aisances de la vie ; n’était-il pas sage de s’efforcer de mettre de pareils biens hors d’atteinte ? Une part des terres achetées revenait à la société de l’église des missions de la mère patrie. De connivence avec cette compagnie s’étaient formées en Angleterre des sociétés ayant pour objet la protection de la race indigène ; elles agissaient de manière à empêcher l’émigration.

Le gouvernement britannique s’empressa de reconnaître l’indépendance des tribus unies de la Nouvelle-Zélande, — cette moquerie, comme on se plut à l’appeler. Au nom du roi Guillaume IV, un navire de guerre, l’Alligator, se rendit à la baie des Iles afin d’inviter les chefs à faire choix d’un drapeau qui serait l’emblème de