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autre genre ; on presse le gouvernement de mettre la main sur les îles de l’océan Pacifique, favorisées dans le nord du climat de l’Italie et du midi de la France, dans le sud de la température de l’Angleterre. Les Français sont une cause de préoccupation constante. Selon toute vraisemblance, ils entretiennent des vues pour la formation d’un établissement colonial sur ces terres bénies où les enfans des Européens attestent par leur bonne mine la santé la plus florissante. Telle est l’impression générale à la Nouvelle-Zélande et à la Nouvelle-Galles du Sud. On a vu apparaître des baleiniers du Havre et des bâtimens de guerre pour les protéger. Rarement, s’écrie-t-on, la Grande-Bretagne eut sur sa route et sur son élément un rival plus formidable que celui qu’elle rencontre maintenant dans la région australe du Pacifique sous le pavillon du roi citoyen[1]. On énumère les malheurs qui menacent la Grande-Bretagne si le gouvernement ne se décide à recourir à des mesures vigoureuses. Les pêcheries de baleines seront arrachées aux Anglais par les Américains et les Français ; le commerce grandira chez les étrangers. Viennent ensuite les avantages que l’Angleterre tirerait de la prise de possession de la Nouvelle-Zélande. Des familles honnêtes iraient s’y établir ; les insulaires, pleins de goût pour la mer, fourniraient d’excellent matelots, l’élevage des troupeaux, réussissant dans les vallées et sur les plateaux, l’extension de l’industrie de la laine serait assurée. Ceux qui avec toute l’énergie possible appellent l’intervention du gouvernement, blâment les missionnaires d’avoir acquis d’immenses propriétés, n’épargnant que « les wesleyens, empêchés par leur règle d’avoir des biens personnels; » ils les signalent comme les agens actifs de l’entreprise des Européens pour extorquer le pays aux aborigènes ; ils les accusent d’incapacité, même de vices, le clergé anglican prenant soin de réserver ses membres les plus distingués pour les différens services de la mère patrie. On dénonce la compagnie territoriale de la Nouvelle-Zélande comme une coterie de marchands de la cité qui s’unissent dans le seul dessein de gagner de l’argent par l’achat et la vente de terrains. Enfin, on montre le devoir de protéger les Maoris, une des plus nobles races, assure-t-on, qu’il y ait sur le globe, contre des gens sans aveu et sans loyauté.

Malgré les réclamations et les excitations à l’égard de la Nouvelle Zélande, durant plusieurs années, le gouvernement britannique ne prend aucun parti. Il s’était contenté, après la pétition adressée en 1836, par les Européens établis à la baie des Iles, d’envoyer en station un sloop de guerre commandé par le capitaine Hobson[2]. Vivement sollicité, ainsi qu’on vient de le voir, en 1839,

  1. Le nom souvent donné au roi Louis-Philippe ; Under the flag of the citizen king.
  2. Le sloop le Rattlesnake vint stationner à la baie des Iles en 1837.