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du fort et, sur la colline, on aperçoit sa petite armée qui exécute une danse guerrière en témoignage de sa victoire. L’explosion d’un magasin à poudre achève de jeter l’effroi dans la ville; les habitans se sauvent et se réfugient sur les navires qui se trouvent dans la baie. Sous l’empire d’un sentiment chevaleresque, peu ordinaire même chez les peuples qui prétendent à la plus haute civilisation, les chefs maoris permettent aux Européens de Kororarika de revenir à leurs maisons prendre ce qu’elles renferment de plus précieux. Un des missionnaires protestans et l’évêque catholique débarquent pour enterrer les morts. Quand chacun a terminé sa besogne, les insulaires promènent l’incendie dans la ville déserte, épargnant avec soin les églises et les maisons des religieux.

Endoctrinés par les agens britanniques les chefs qui ont promis leur concours au gouverneur si les hostilités venaient à recommencer, s’apprêtent à tenir parole. A les croire, Heki veut exercer sur ses compatriotes une sorte de tyrannie. Le 31 mars 1845, le navire de la marine royale le North-Star et deux transports entrent dans la baie des Iles et mettent à terre trois cents soldats. La troupe, aussitôt dirigée dans l’intérieur du pays, rejoint les Maoris alliés, et avec ce renfort, elle court au pah que Heki a construit en un lieu du nom de Mawi. Le combat est décisif; la défaite est pour les Anglais. Un mois plus tard, le gouverneur reçoit un secours de quatre cent vingt hommes bien équipés. La petite armée est conduite à l’extrémité de la baie où Heki se tient en défense. Le 8 mai on livre bataille, le résultat semble incertain; la nuit, en silence, les Maoris abandonnent la place et les Anglais qui ont éprouvé des pertes très sérieuses, qui ont épuisé leurs provisions, regagnent tristement la côte et sont réembarqués. On juge nécessaire une campagne en règle. Au mois de juin est amené un corps de six à sept cents hommes sous les ordres du colonel Despard. Uni aux Néo-Zélandais alliés, il arrive à Taïamai, non loin de Waïmata, où les chefs Heki et Kawiti occupent un pah, qu’ils ont admirablement fortifié. L’attaque est furieuse, mais la riposte est terrible. Le colonel Despard voit tomber le tiers de son armée ; plusieurs officiers gisent dans la poussière; — le clairon sonne la retraite. Le pah est bientôt délaissé par ses défenseurs, qui sans doute manquent de vivres. On envoie de l’artillerie le battre en brèche ; il est désert. Lorsque à Auckland parvint la nouvelle de la bataille perdue par les Anglais, les habitans, frappés de stupeur, en proie à la panique, s’attendaient à chaque minute à voir l’ennemi assiéger leurs maisons. Heki se hâte d’édifier un nouveau pah qui sera le chef-d’œuvre des Maoris dans l’art des fortifications ; on le nomme Ruapekapeka, le nid de chauves-souris. Les escarmouches se succèdent, mais, au mois de janvier 1846, le nouveau gouverneur, sir George Grey,