Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/400

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et les Maoris répondent : « Nous combattrons jusqu’à la mort. — Faites sortir vos femmes et vos enfans, nous en prendrons soin, » réplique le général, et l’on entend la voix de quelques chefs proférer cette dernière parole : « Nos femmes combattent avec nous. » À bout de munitions, ces intrépides défenseurs d’une pauvre fortification tentèrent de se dérober ; ils furent cernés par la cavalerie. Malgré tout, les rencontres sanglantes se succèdent. À Tauranga, les Anglais perdent plusieurs officiers, dont un colonel. Le 14 mai 1863, le gouverneur George Grey et le général Cameron étant à Taranaki, une petite troupe en reconnaissance est surprise ; tous les hommes sont tués. Quelques mois plus tard, près d’Ahuaha, une milice éprouve une défaite. La série des escarmouches est interminable.

Le 14 mai 1865, une collision eut lieu dans une île de la rivière Wangagua entre des Maoris alliés aux Anglais et la tribu hostile des Hauhaus ; les premiers remportèrent la victoire. Dans les parties centrales de l’île, le général Cameron prit des positions sur tous les points stratégiques. La division était alors parmi les Maoris ; des tribus assez nombreuses se soumettaient à l’autorité britannique et marchaient avec les troupes royales. On parla encore de combats ou de meurtres, tantôt sur la côte occidentale, tantôt sur la côte orientale ; mais la lutte n’était plus possible pour les anciens habitans de la Nouvelle-Zélande. Vers la fin de l’année 1866, la guerre était terminée ; le peuple maori avait pour toujours cessé d’être redoutable. Au mois de décembre, le gouverneur parcourut l’île entière d’une rive à l’autre sans apercevoir le moindre obstacle. La colonie anglaise était vraiment maîtresse du pays.

N’est-elle pas lugubre cette histoire de la conquête des îles australes ? De prétendus sauvages, remarquables par l’intelligence, avaient aspiré à la civilisation. N’ayant de fanatisme d’aucun genre, ils offraient amitié aux Européens qui venaient s’établir sur leur sol, et ces Européens, qui devaient les instruire et les protéger, les ont blessés, dépouillés, massacrés. C’est un honneur pour les missionnaires protestans et pour certains hommes politiques d’avoir pris la défense des Maoris et d’avoir subi les injures des colons, qui ne rêvaient que l’extermination. Sur les terres où le capitaine Cook trouvait des peuplades nombreuses, après moins d’un siècle écoulé, on en cherche les débris. Maintenant il faut examiner la nature de la Nouvelle-Zélande et des petites îles éparpillées au voisinage, observer les êtres qui habitent ces différentes terres, car cette étude doit conduire à la révélation d’un passé que l’état présent n’a point encore fait soupçonner.


EMILE BLANCHARD.