Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monde à peu près y gagne, car il est rare que sous une forme quelconque on ne participe pas aux progrès de la richesse. Le rentier seul peut y perdre; encore, s’il est prévoyant, placera-t-il sa fortune de façon que, s’il n’a pas d’augmentation dans le revenu à espérer, il en trouvera une au bout d’un certain temps dans le remboursement du capital. La plupart des emprunts qui se font aujourd’hui, soit par les états, soit par les grandes compagnies financières comportent en effet une augmentation de capital au moyen d’une prime de remboursement. Je le répète, cette augmentation des prix est dans le sens du progrès, et personne ne peut s’en plaindre. En est-il de même de celle qui résulte exclusivement de la dépréciation des métaux précieux et qui fait qu’à richesse égale on est obligé de donner trois pièces d’or ou d’argent, au lieu de deux, pour avoir le même objet? Évidemment non. L’abondance des métaux précieux conduit au progrès, cela est possible dans de certaines circonstances et dans une certaine mesure; cela a pu être ainsi autrefois, lorsqu’il y avait peu de numéraire en circulation et que les moyens de crédit pour y suppléer n’étaient pas encore très connus. Alors le métal précieux plus abondant devenait une nécessité pour développer les transactions. C’est ce qui a eu lieu après la découverte de l’Amérique et même encore après celle des mines d’or de la Californie et de l’Australie. Les choses se passeraient-elles de même aujourd’hui? Les métaux précieux sont comme les chemins de fer; il faut avoir tous ceux qui sont utiles et rien de plus. Si on fait trop de chemins de fer, c’est de l’argent et du travail perdu, et de plus c’est du terrain mal employé. Pour les métaux précieux, s’ils ne trouvent pas de nouveaux débouchés, de nouveaux besoins à satisfaire, ils refluent sur ceux qui existent déjà, font double emploi avec eux ; et comme il n’y a pas ipso facto une demande supérieure, ils se déprécient forcément, il faut en donner davantage pour avoir les mêmes choses. C’est un inconvénient.

Sur ce point, du reste, tout le monde est d’accord. « Personne ne peut contester, dit David Hume, dans son Essai sur l’argent, que la valeur des denrées et des marchandises ne soit toujours dans la proportion de leur quantité avec celle des espèces d’or et d’argent, et que tout changement considérable dans l’une ou l’autre de ces quantités ne produise le même effet. La grande quantité des marchandises les fait baisser de valeur, leur rareté en augmente le prix. — De même la grande quantité des espèces augmente le prix des marchandises, et leur rareté les fait baisser. » Et Jean-Baptiste Say, dans son Cours d’économie politique, après avoir supposé que les besoins monétaires de la France sont de 2 milliards, ajoute : « Tout ce que l’on verserait en plus ne changerait rien au fond des choses. La nation n’aurait toujours à offrir contre la monnaie que la