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tout simplement de le faire sortir des entrailles du pays et de le mettre en circulation. Pour cela une loi est nécessaire, car si en fait l’or circule aujourd’hui comme monnaie principale, en droit le double étalon existe, et on peut nous obliger à recevoir en paiemens les gros sacs d’écus d’autrefois. On le tente bien un peu en ce moment à la Banque de France et au trésor public, au risque de tous les inconvéniens qui peuvent en résulter. D’abord, nous considérons comme peu moral pour un grand établissement public et pour un gouvernement de chercher à mettre en circulation des pièces de monnaie qui, au tarif commercial, perdent 15 pour 100, et ensuite la Banque de France a-t-elle réfléchi à quel taux pourrait monter le change avec l’Angleterre et les États-Unis, si, ayant besoin d’or pour les règlemens, on ne trouvait chez elle que de l’argent? Elle ne tarderait pas à voir se déprécier ses billets eux-mêmes. C’est là une chose à laquelle elle doit faire grande attention.

Cet établissement agit contre ses intérêts, ou tout au moins contre le but de son institution, en faisant défendre le double étalon devant toutes les commissions monétaires. Ce double étalon est la source de ses embarras, à moins que la Banque de France ne considère comme un avantage de pouvoir élever le taux de son escompte assez haut pour faire naître une crise et donner de plus gros dividendes à ses actionnaires; car elle a cela de particulier qu’elle ressemble aux médecins qui gagnent plus quand il y a des épidémies; elle fait de plus gros bénéfices en temps de crise; aussi a-t-elle vu monter ses actions au-delà de 6,000 francs. Ce n’est pas là évidemment ce que cherchent ses directeurs, dans tous les cas ce n’est pas le but de l’institution. La Banque de France a été établie pour venir en aide au commerce exclusivement, pour lui donner, au moyen de son monopole et de ses billets au porteur, le capital au meilleur marché possible, et il se trouve que, par une situation fausse, dont elle ne paraît pas elle-même-avoir suffisamment conscience, elle lui fait payer l’intérêt plus cher qu’il ne faudrait, et de plus elle détourne une partie de ses ressources pour favoriser des spéculations qui sont en dehors de ses attributions. C’est vraiment abusif. Il n’y a qu’un moyen de mettre fin à cela; c’est, je le répète, de démonétiser l’argent. Le lendemain de cette mesure, la Banque verrait affluer l’or dans ses caisses; elle reprendrait la liberté de ses mouvemens et pourrait mettre le taux de l’escompte en harmonie avec les intérêts généraux du pays et non plus avec les exigences spéciales que lui crée cette fausse position.

Mais, si on démonétise l’argent comme monnaie principale et qu’on le garde seulement comme monnaie divisionnaire, il y en aura pour un milliard de trop, au moins, il faudra le vendre et, avec une dépréciation de 15 pour 100, c’est une perte à subir de