à qui le journaliste a manqué de respect; c’est une femme de lettres, Mme Retau du Fresne, à qui Fréron a conseillé, vu son style, quand elle composera quelque autre ouvrage, de « se faire retoucher par quelque homme de lettres. »
Moi, retouchée ! ah ciel ! quel affront est cela ?
Et je pourrais souffrir que l’on me retouchât!
s’écrie la dame, dont la prompte imagination a découvert là-dessous
je ne sais quelle allusion grossière ou quelle signification inconvenante. Et d’écrire à Malesherbes : «Je suis forcée de vous porter
les plaintes les plus amères sur le trait le plus outrageant peut-être qui ait pu sortir de la plume de Fréron. Il attaque mon
honneur et celui de mon sexe. Ayez la bonté de vous faire représenter la dernière feuille du courant de ce mois ; daignez y lire les
deux dernières lignes de la critique de mon Histoire de Cherbourg;
la pudeur m’oblige d’en passer ici les termes sous silence; son
infâme avis sous le titre de conseil ne peut être réparé que par
la justice ou ma mort[1]. » Et Fréron, pour éviter Vincennes ou
la Bastille, est obligé de composer une lettre bien humble d’excuses
afin, dit M. de Sartine, « qu’il reste une trace de la réparation[2]. »
Et quand ce n’est pas contre Mme Retau du Fresne, c’est contre un
Ximénès, dont on a vu les façons, c’est contre un La Morlière,
dont on connaît les emplois, c’est contre un Chevrier, l’un de ces
pamphlétaires à gages, homme d’ailleurs à qui l’on ne peut toucher
qu’avec des pincettes, qu’il faut que Fréron se défende, combien
d’autres encore ! ou devant qui Malesherbes, Sartine, et Saint-Florentin réunis exigent que le malheureux s’humilie.
S’il était libre, au moins, de sa défense et, quand on l’attaque, s’il pouvait riposter! Mais on a vu comme ses censeurs, Trublet ou Morand, joignez-y l’illustre Coqueley de Chaussepierre, se faisaient un devoir de rayer impitoyablement tous les traits qu’il essayait de lancer contre M. d’Alembert. Trop heureux quand ces honnêtes gens ne lui retiennent pas ses feuilles jusqu’à la veille du jour où l’Année littéraire doit paraître, de façon qu’il soit forcé, dans les vingt-quatre heures, sur un marbre d’imprimerie, de refaire son journal tout entier. Que les autres, s’ils le prennent à partie, le nomment tout au long, qu’ils l’attaquent outrageusement sur sa naissance, sur sa famille, sur sa femme, sur sa probité, sur son honneur, sur sa réputation, il n’importe : « Il y a dans ce livre, écrit le censeur Marin, à propos de je ne sais quel pamphlet, quelques traits