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Brasseur et Lassouche. Ainsi seulement on établira dans tout l’enseignement des arts cette indépendance qui tient si fort au cœur de M. le ministre des arts.


III.

Agréablement surpris par la suppression des ateliers de l’École, les partisans de la liberté dans l’art, qui ont de la logique demandent que l’on supprime du même coup l’Académie de France à Rome. Nous ne savons si M. le ministre des arts a, par quelques paroles, provoqué cette discussion passionnée sur l’École de Rome; mais étant données ses préférences en art, ses déclarations aux Chambres, ses récentes acquisitions pour le Louvre et ses mesures projetées à l’égard de l’École des beaux-arts, il n’y aurait là rien qui pût étonner.

Au XIXe siècle, il a toujours été de mode d’attaquer l’École de Rome. Depuis Géricault, qui, bien qu’il eût écrit de Rome « qu’on doit faire de meilleures choses quand on se trouve au milieu de cette quantité de chefs-d’œuvre[1], » appelait l’Académie de Rome « une cuisine bourgeoise qui engraisse le corps et anéantit l’âme, «jusqu’à ce spirituel publiciste qui déclarait hier que la villa Médicis est « une antique maison de fausse éducation!) et le prix de Rome « une chose fastidieuse et surannée, funeste à l’avenir de l’art français, » il n’est pas d’attaques de railleries, de critiques, que n’ait eues à subir l’École de Rome. Cette école ne sert à rien, n’a rien produit, fait perdre leur temps aux artistes, les engourdit, détruit leur originalité, leur donne des idées fausses, ne forme que des hommes médiocres. Nous ne parlons que pour mémoire des gens qui écrivent fort sérieusement, avec la plus belle ingénuité du monde : Il n’y avait pas d’Académie de France à Rome en ce XVIe siècle où Jean Goujon et Germain Pilon faisaient des chefs-d’œuvre. — Autant dire tout de suite : Il n’y avait pas d’Académie d’Athènes à Rome au temps de Périclès. — Le raisonnement est admirable! Parce que l’École de Rome n’existait pas à des époques où il était impossible qu’elle existât, il faut fermer la villa Médicis.

Cette École de Rome qu’on décrie tant a cependant ceci pour elle. Attaquée par ceux qui n’y ont pas été et qui, en conséquence, la connaissent peu ou mal, elle est défendue par ceux qui y ont été et qui, en conséquence, la connaissent bien. Tous les anciens élèves de la villa Médicis, aussi bien les peintres perdus dans la

  1. Lettre à de Dreux-Dorcy. — Géricault, comme on sait, n’était pas prix de Rome, mais il a séjourné longtemps à Rome et il y a peint ses admirables compositions de la Course des Barberi.