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pareil cas. Les paroles de la princesse, dans cette circonstance critique, se rapportaient toutes à ce personnage inconnu, à ce mari dont le souvenir paraissait la préoccuper uniquement.

Sur ces entrefaites, tous les témoins étaient arrivés et l’on avait terminé les préparatifs de la cérémonie future. J’en donnai avis à la princesse, qui répondit :

— Tout est prêt ; faites entrer ces messieurs.

Mme d’Hautefort, assise dans un fauteuil, se tenait au pied du lit de la princesse ; l’enfant nouveau-né, bien emmaillotté, reposait sur un grand oreiller placé au milieu du lit de sa mère. Mme Hansler était à la tête du lit ; M. Deneux et moi, nous nous tenions debout près de Madame, et M. Dubois avait conservé sa place derrière le paravent.

Le général, averti par moi, entra aussitôt dans la chambre. Il était suivi du président du tribunal de Blaye, du sous-préfet, du juge de paix et de plusieurs autres personnages. Ces messieurs, après avoir salué son altesse royale, se rangèrent en demi-cercle à une certaine distance du lit de la princesse, et alors le président du tribunal, faisant quelques pas en avant, salua profondément Madame et lui dit :

« Est-ce bien à Mme la duchesse de Berry que j’ai l’honneur de parler ? — Oui, monsieur, répondit la princesse. — Madame est-elle bien Marie-Caroline, princesse royale des Deux-Siciles, duchesse de Berry ? — Oui, monsieur, c’est bien moi, répondit encore la princesse. — L’enfant que je vois là, placé sur votre lit, est-il né de vous, est-il bien le vôtre ? — Oui, monsieur. — Quel est son sexe ? — C’est une fille. D’ailleurs, monsieur, j’ai chargé le docteur Deneux de faire la déclaration de naissance. »

Ce dialogue terminé, tous les témoins saluèrent de nouveau la princesse et se retirèrent dans le salon. Madame leur rendit leur salut et nous dit qu’elle était satisfaite des procédés polis de ces messieurs. Un instant après, j’étais dans le salon, au milieu de ces témoins, qui se félicitaient entre eux de la manière dont l’affaire s’était accomplie. Les deux camps étaient également satisfaits.

Quelques instans plus tard, la princesse dit à M. Deneux :

— Quand on fera la déclaration de naissance, vous nommerez le père de mon enfant. Je désire que son nom soit inscrit sur le procès-verbal.

En disant cela, Mme la duchesse de Berry a pris sous son traversin un papier plié et elle l’a remis à son accoucheur. Le cher maître le déplia aussitôt, le lut et témoigna par un mouvement de tête et de bras la vive satisfaction que lui causait cette lecture. M. Deneux se plaça devant le bureau de la princesse pour faire une copie de ce document précieux.