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les Turcs deviennent tout aussi honnêtes dans les transactions publiques qu’ils le sont dans les transactions privées. L’administration des phares, qui est dirigée par un Français, Michel-Pacha, et où les traitemens sont acquittés avec ponctualité, est d’une probité irréprochable, quoiqu’elle soit presque uniquement composée d’Orientaux. L’administration des six contributions ressemble déjà à l’administration des phares. Il a fallu sans doute y faire d’abord quelques exécutions ; M. Lang a dû montrer au début une sévérité des plus rigides ; mais aujourd’hui le mal est à peu près extirpé, et c’est à peine si de loin en loin on découvre encore quelque employé coupable. Ce qui prouve qu’aucun détournement considérable n’a été commis au préjudice des intérêts généraux, c’est que les six contributions ont donné tous les revenus qu’on en attendait, et au-delà. Cette première expérience a si complètement réussi qu’elle a inspiré un désir général d’en voir tenter de pareilles. Il est à souhaiter en effet qu’elles se multiplient. Puisque la Porte est incapable de percevoir elle-même des impôts sans laisser commettre les fraudes qui lui portent le plus grand préjudice, pourquoi ne se résignerait-elle pas à affermer cette perception à des syndicats de banquiers, à des administrations européennes qui lui garantiraient un produit déterminé ? C’est d’ailleurs dans cette voie que paraissent devoir entrer les porteurs de la dette consolidée ; ils ont si bien senti l’avantage du système dont profitent les banquiers de Galata qu’ils cherchent, en ce moment même, à l’appliquer d’accord avec eux et à en tirer un bénéfice commun. Ce serait un premier pas dans une voie que la Porte aurait tout intérêt à parcourir jusqu’au bout. On lui propose de concéder à la Banque ottomane le monopole du tabac ; plus tard, on lui proposera de concéder les douanes à un autre ou à plusieurs autres établissemens financiers. Qui l’empêcherait de concéder également les dîmes ? Elle les afferme bien en détail ; il vaudrait certainement mieux les affermer en gros. Elle a souvent été tentée de confier à la Banque ottomane tous les services financiers d’une province afin de voir quels effets produirait cette expérience ; il est dommage qu’elle n’ait pas cédé à cette tentation. Si l’on pouvait enlever au ministre des finances turc les dépenses aussi bien que les recettes, cela n’en vaudrait que mieux ; mais il est clair qu’il n’y faut pas songer. Ce serait déjà un grand et heureux résultat que de le réduire au rôle de distributeur des dépenses, toutes les recettes étant prélevées par des administrations européennes séparées, qui verseraient dans sa caisse les revenus qu’elles auraient retirés du pays par des moyens réguliers, sans exercer la pression odieuse et les innombrables dilapidations sous lesquels gémissent en ce moment les contribuables.

Si étrange que puisse paraître un pareil système financier, on